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cédente, n’auraient pu trouver de fourrage. Pour ces causes, j’ai ajourné la grande réunion nationale à la Saint-George prochaine : alors nous nous rassemblerons dans quelque belle plaine, où nous aurons de l’espace pour nos tentes et des prairies pour nos chevaux. Frères et seigneurs, je vous convoque pour ce jour, où je vous prouverai combien j’ai à cœur votre prospérité future. Dans l’impossibilité de fixer d’avance par quels moyens elle se consolidera, je me bornerai à vous dire que nous discuterons principalement les points suivans : organisation du pouvoir législatif, répartition de l’impôt, paiement de l’ancienne dette épiscopale contractée par les six districts réunis à nous l’été dernier. Pour éclairer chacun de ces points, nous élirons un conseil d’état divisé en six ministères, de l’intérieur, des affaires étrangères, de la police, des finances, de la justice et de la propagation nationale des lumières. Quant aux 147,000 piastres, dues par nos anciens évêques à la sainte et grande église (celle de Constantinople), il vaudra mieux la payer en une seule fois, pour n’en plus perdre les intérêts. Sur tous ces points, seigneurs, il me faut votre avis et votre approbation. De retour dans vos foyers, communiquez donc à tout le peuple mes plans ; vous et la nation aurez jusqu’à la Saint-George assez de temps pour délibérer et méditer votre réponse. Alors nous recueillerons les voix et adopterons le meilleur parti. J’ai rempli mon devoir ; remplissez le vôtre, staréchines, en allant dire à vos jeunes gens que tout ce qu’ils pensent, ils peuvent le dire librement, sans plus se permettre des murmures à l’écart. Maintenant il s’agit de conserver intact ce que nous avons obtenu, en paraissant, aux yeux des deux empereurs, dignes de la clémence de l’un et de la protection de l’autre ; sans quoi nous pourrons vite nous les aliéner de nouveau, transformer la clémence en colère et la protection en hostilité. Pour détruire tout notre bonheur présent et tout le travail de mes mains, il suffirait d’une seule chose, se laisser entraîner à de vils complots insurrectionnels. Que Dieu nous en préserve ! »

Ces dernières paroles, qu’on n’entendit pas sans surprise, faisaient trait à la dernière révolte des rayas serbes de Bosnie, pour la répression de laquelle Miloch avait prêté son appui à la Porte ; il y avait, dans cette hautaine ingratitude d’un conspirateur heureux appelant l’insurrection vile, dès qu’il en a recueilli les avantages, quelque chose d’odieux que les fallacieuses promesses du prince ne pouvaient faire disparaître. Les kmètes les staréchines, les knèzes des districts, les capitaines de frontière, tous ces fiers guerriers, naguère