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sont moins maltraitées par la nature que celles des autres tribus, et quelques filles de chefs peuvent même passer pour jolies ; mais cette fleur de beauté passe vite, et à vingt-cinq ans la jeune Séminole est entièrement flétrie. Les hommes sont en général grands et bien faits ; presque tous ont la main remarquablement petite et douce. En temps de paix, leur costume se compose d’une chemise de toile ou de peau, de longs bas de cuir et de mokassins, quelquefois ils s’enveloppent d’une couverture pittoresquement drapée ; mais aussitôt que le cri de guerre retentit dans les forêts, le guerrier dépose tous ces vêtemens et les remplace par des couleurs éclatantes qui dessinent sur son corps des emblèmes de mort. Pour combattre ses ennemis, il emploie encore les armes de ses ancêtres, les flèches et le tomahac. Il y joint la longue carabine et un couteau à scalper de fabrique anglaise, et parfois suspend à son bras gauche un bouclier en peau d’alligator parfaitement à l’épreuve des balles.

On trouve encore chez les Séminoles des traces de leurs anciennes institutions. Les vieillards et les chefs ont conservé leur empire. Ces derniers forment une espèce d’aristocratie héréditaire, et bien qu’un simple guerrier puisse, par son courage, s’élever à cette dignité, il n’a jamais autant d’influence que les chefs entourés du prestige de la naissance. Les lois sont en petit nombre, mais d’une application facile, et nul ne peut se soustraire à leurs arrêts. — Le meurtre, même involontaire, est puni de mort. Deux jeunes guerriers étant ensemble à la chasse, l’un d’eux eut le malheur de tuer son camarade par accident. Aussitôt il alla se livrer lui-même. Le conseil s’assembla, et prononça la peine du talion. Sans murmurer, le jeune homme vint s’agenouiller au milieu du cercle formé par ses juges, et le plus proche parent de son ami lui fracassa le crâne d’un coup de massue.— L’adultère est puni, comme chez les anciens Creeks, par la perte du nez et des oreilles. Le chef suprême des Chattaoutchis, le vieux Conchattemico, interrogé sur l’origine des blessures qui défiguraient son visage, réfléchit un instant, puis répondit : « Il y a long-temps, bien long-temps, quand j’étais jeune et fou, je fus surpris avec la femme d’un Indien ; je fus mutilé. C’est la loi : c’est bien. »

Dans leur guerre actuelle contre les Américains, les Séminoles se montrent aussi féroces que le furent de tout temps les Hurons, les Iroquois, et les autres peuplades du nord. Chassés de leurs habitations, traqués comme des bêtes fauves, ils ont eu recours à de terribles représailles, et, dans leurs expéditions, ils n’épargnent plus ni l’âge ni le sexe ; ils font périr leurs prisonniers dans les plus af-