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LA FLORIDE.

fonderont une puissance continentale. Plus tard, leurs descendans franchiront, peupleront les déserts, encore inexplorés, qui s’étendent jusqu’à la mer Pacifique. Peut-être de nouveaux centres s’organiseront-ils sur leurs pas. À coup sûr, lorsque les populations futures toucheront à la mer après avoir franchi les Montagnes Rocheuses, les rives occidentales de l’Amérique verront s’élever un empire qui ne conservera plus qu’un souvenir bien vague de ses ancêtres de la côte orientale.

En Europe, la barbarie et la guerre ont été le point de départ de l’organisation sociale. Dans l’Amérique septentrionale, les peuples se forment sous les auspices de la civilisation et de la fraternité. Partie des deux limites extrêmes, l’humanité dans les deux mondes semble néanmoins tendre vers un terme moyen semblable. Les notes et les protocoles diplomatiques commencent à remplacer chez nous les grandes batailles où nos pères prodiguaient leur sang. L’influence, tous les jours plus réelle, que prennent nos congrès européens rappelle sous bien des rapports l’autorité si contestée du gouvernement central de l’Union. Les expéditions à frais communs entreprises pour assurer l’indépendance de la Grèce, pour enlever la Syrie au pacha d’Égypte, semblent préparer de futures associations pour l’accomplissement de grandes œuvres d’utilité générale. Sans doute, nous sommes encore loin de la paix universelle ; sans doute, cette harmonie naissante n’a pas des racines aussi profondes que quelques hommes d’état feignent de le croire. Le moindre incident peut la troubler et rallumer le feu mal éteint de la guerre. Le traité du 15 juillet n’a pas soulevé chez nous plus de ressentimens que la loi des douanes dans la Caroline et les autres états du sud ; déjà le congrès américain s’est vu forcé d’appuyer ses décisions par la force des baïonnettes. À mesure que les provinces se multiplieront, leurs intérêts, devenus plus distincts, les isoleront davantage, et le jour n’est pas loin peut-être où ces états frères ne seront plus que des peuples alliés. Alors il n’y aura plus de différences entre leurs relations réciproques et celles qui régissent les Européens.

Trois grandes nations, diverses de mœurs, de caractère et d’institutions, existent déjà sous ce vieux nom de république, qui couvre et prétend relier en un seul faisceau l’ensemble des États-Unis. Deux appartiennent aux provinces peuplées directement par la métropole avant la déclaration de l’indépendance. Elles occupent le littoral en-deçà des Alleganis. M. Michel Chevalier a très bien caractérisé ces deux branches, qui, sorties d’un même tronc, n’ont plus aujourd’hui