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LA FLORIDE.

dans dégénérés des vainqueurs de Montésume. Encore quelques années, et les deux Océans salueront à la fois le drapeau de l’Union flottant sur les Andes de Panama comme pour appeler les navires des deux mondes.

Les États-Unis n’ont donc, pour ainsi dire, d’autres limites au midi que celles de l’Amérique septentrionale. Au nord, les possessions anglaises élèvent une barrière qu’ils n’ont pas encore essayé de franchir. En sera-t-il toujours de même ? Quand la population anglo-américaine sera près de remplir l’immense territoire qui la sépare de l’Océan Pacifique, quand elle commencera à se sentir pressée entre le golfe du Mexique et le Canada, la domination de l’Angleterre devra forcément disparaître de ce continent. Pour cette nouvelle conquête, les États-Unis n’auront même pas besoin de tirer l’épée. L’exemple qu’ils ont donné est de ceux qui ne s’oublient pas : le Canada grandit chaque jour, et le moment approche où, secouant de lui-même le joug de la métropole, il ira faire cause commune avec eux. La rivalité des races anglaise et française retardera sans doute cette révolution, mais elle est trop dans la force des choses pour être ajournée à jamais ; l’émancipation du Canada n’est qu’une question de temps. Ainsi l’Amérique du Nord tout entière s’appellera un jour États-Unis. La moitié d’un continent, le huitième environ de la surface habitable du globe, ne formera qu’une seule nation.

Mais en reculant leurs limites du pôle à l’équateur, de l’Atlantique à la mer Pacifique, les États-Unis doivent se morceler. Pas plus dans l’ordre politique que dans le monde physique les géans ne sont des êtres normaux ; ils ne se perpétuent pas. L’empire romain, ce colosse des temps passés, égalait à peine en étendue le tiers de l’Amérique septentrionale. Chez lui, une organisation puissante, un centre d’action d’où partait en tout sens une impulsion commune et où tout revenait, semblaient garantir une existence éternelle ; l’empire romain s’est pourtant partagé. Aucune de ces conditions de durée ne se trouve dans l’Union américaine, agglomération fortuite d’états qui n’ont guère de commun que la langue, mais dont les mœurs, les lois, les intérêts, diffèrent autant que ceux des peuples les plus éloignés. Réunis par le même besoin d’indépendance, par la nécessité de s’entr’aider pour atteindre ce but, s’ils ont pu croire un moment à une fusion complète, cette illusion doit s’être déjà dissipée, même aux yeux les moins clairvoyans. La doctrine du gouvernement individuel, self-government, est une base bien fragile pour asseoir un grand empire : aussi voyez ce qui se passe. Le congrès vote une loi