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REVUE. — CHRONIQUE.

a poussés en Angleterre. D’un autre côté, il est vrai que le traité est plus qu’un simple traité de navigation. Il est à la fois un traité de navigation et de libre établissement. Le commerce anglais, avec sa hardiesse, son habileté, ses capitaux, s’établira en Russie, et des rapports plus intimes et permanens se formeront entre les deux nations. La Russie aura entre ses mains des gages que de long-temps elle ne donnera pas à l’Angleterre, car la richesse et l’esprit d’entreprise sont loin d’être les mêmes dans les deux pays. Malgré cela, les conséquences politiques qu’on a voulu en déduire nous paraissent exagérées. Les Anglais pourront fréquenter les ports russes et s’établir en Russie, comme ils le peuvent dans d’autres états. Ces intérêts, quelque précieux qu’ils puissent être, ne sont pas de nature à dominer la politique.

Les discussions du parlement anglais ont fait connaître qu’en réalité tout n’est pas dit entre l’Angleterre et les États-Unis au sujet du droit de visite. Quoi qu’il en soit du droit conventionnel pour la répression de la traite des noirs, l’Angleterre n’a pas entendu renoncer à son principe de droit maritime, d’après lequel elle soutient avoir le droit de visiter tout navire en pleine mer, non pour y exercer un droit de perquisition, mais pour s’assurer de la nationalité du pavillon. Les États-Unis, de leur côté, n’ont point renoncé à leur principe, qui est le principe directement contraire, le principe qui établit qu’en pleine mer aucun navire n’a droit de police sur un autre navire, et que celui qui se permet d’aborder un bâtiment, malgré le pavillon dont il se couvre, donne un droit légitime de plainte et agit à ses périls et risques. Le droit conventionnel, quel qu’il soit, bon ou mauvais, opportun ou non, n’a rien de commun avec la grande question de principe que nous venons d’indiquer. Au surplus, le dernier mot n’a pas encore été dit, ce nous semble, sur aucune de ces questions ; on ne l’a pas encore dit sur la nature et la portée des traités qui règlent le droit purement conventionnel de visite ; on ne l’a pas dit, et il n’est pas, convenons-en, facile de le dire, sur la question qui divise l’Angleterre et les autres puissances maritimes. Il ne se passera pas long temps avant que ces grandes et belles questions se reproduisent aux tribunes des pays constitutionnels.


— Le désir de reproduire quelques traits de nos mœurs actuelles a inspiré à M. Émile Souvestre l’idée d’une série intitulée : Romans de la vie réelle. Cette série, ouverte avec succès par Riche et Pauvre, vient de s’augmenter d’un roman nouveau. Le Mât de Cocagne[1] est l’histoire des tristes concessions par lesquelles un ambitieux achète le pouvoir et la fortune ; c’est

  1. vol. in-8o, chez Coquebert, rue Jacob.