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quête ordonnée contre son gré pour en vérifier les circonstances, son candidat à la présidence nommé au deuxième tour de scrutin seulement, étaient les signes, sinon d’un désaccord complet, du moins d’une hésitation manifeste.

La dernière discussion a plutôt constaté l’opposition de la chambre que sa sympathie pour le cabinet. Le vote unanime sur le droit de visite n’est point assurément le gage d’une adhésion, et le cabinet s’est trouvé trop heureux de voir la question ministérielle disparaître sous cette unanimité. Les affaires de Syrie ont amené un débat dont la conclusion a dû médiocrement satisfaire le ministère.

Les pièces communiquées à cet égard, et dont plusieurs fragmens ont été lus à la tribune, ont donné sur la politique de M. Guizot des renseignemens qui sans doute ne seront pas perdus pour la chambre. Il convenait, je ne le conteste point, qu’après les évènemens de 1840 et la rentrée dans le concert européen, la France marchât d’accord avec les autres puissances dans les négociations à suivre auprès du divan. Mais il faut avoir lu les pièces même qui ont été déposées aux archives de la chambre, pour imaginer à quel point le représentant de la France, M. de Bourqueney, a été dépouillé d’initiative et de force propre. M. de Carné en a fourni, avec beaucoup d’à-propos, les preuves les plus concluantes. Le 23 février 1842, quand d’exécrables désordres ensanglantaient le Liban, M. Guizot écrivait à M. de Bourqueney : « Vous n’avez, quant à présent, ni approbation ni désapprobation à témoigner ; vous continuerez seulement à laisser voir vos doutes et vos appréhensions, vous réservant le droit de juger et de décider d’après les évènemens. » Le 16 juin suivant, il lui disait : « La question est devenue européenne. Il faut éviter tout ce qui nous donnerait aux yeux des cours l’apparence d’une action propre, cherchant à devancer ou à dépasser la leur ; une marche qui tendrait à nous présenter comme poursuivant un but personnel aurait pour conséquence de réunir encore une fois les puissances contre nous et de nous rejeter dans l’isolement. » Voilà, monsieur, la confiance que la convention du 13 juillet inspirait à M. Guizot lui-même. M. de Bourqueney, lié par ces instructions, s’interdit toute action individuelle. Sélim-Bey, au moment de se rendre en Syrie où il était envoyé, témoigne le désir de savoir si le gouvernement français attache une importance particulière à ce que le gouvernement de la montagne soit rendu à tel ou tel membre de la famille Scheab. « Je n’accepte pas ces ouvertures, » écrit M. de Bourqueney le 26 mars. Cependant il est juste de reconnaître qu’il montre une certaine décision dans les réclamations relatives aux réparations de la coupole du saint sépulcre : il obtient une satisfaction complète ; mais M. Guizot, qui depuis a revendiqué l’honneur de cette solution, lui avait écrit le 23 février pour « le laisser maître de transiger sur le fond de la question. » (Dépêche de M. de Bourqueney du 15 avril)

La pensée de confier l’administration de la Syrie à deux chefs distincts fut conçue dans les premiers mois de 1842 : vint-elle de M. de Metternich, comme on l’a prétendu ? il importe peu de connaître son origine. Après de