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LETTRES SUR LA SESSION.

droit de visite, et les plus éminens d’entre eux, alors en possession d’une grande influence dans le gouvernement, les mêmes qui venaient d’obtenir la signature du traité des 25 millions, appuyèrent les nouvelles négociations de l’Angleterre.

Le 31 octobre 1831, lord Granville apprend à son gouvernement l’appui qu’il obtient des envoyés américains ; le cabinet français commence à se rapprocher, mais, « malgré la réciprocité stipulée, il continue de craindre que le public français ne considère l’adoption du droit de recherche comme une reconnaissance de la supériorité maritime de l’Angleterre. » Cependant la question doit être prochainement portée de nouveau au conseil, et « la satisfaction avec laquelle le gouvernement et le public anglais salueraient la coopération de la France à leur œuvre d’humanité disposera certainement le cabinet français à prendre la proposition en grande considération. »

Lord Palmerston ne perd point de temps, et le 7 novembre, il envoie à lord Granville l’indication des précautions qui peuvent être prises pour prévenir les abus du droit de visite et calmer les jalousies nationales. « Des commissions seront données par les gouvernemens respectifs, elles n’auront d’effet que pour trois ans, devront être renouvelées à l’expiration de cette période et pourront être révoquées pendant sa durée, s’il en résulte quelque abus ou quelque gêne. » Il termine en disant : « Il paraît au gouvernement de sa majesté que cette expérience (experiment) partielle et temporaire, qui laisserait encore la question dans tous les temps sous le contrôle des deux gouvernemens, serait extrêmement utile et aurait pour résultat, ou d’éloigner toutes les objections faites à un arrangement plus permanent, ou de rendre cet arrangement sans objet (unnecessary). »

Le traité fut signé le 30 du même mois.

Cette convention ne saurait donc avoir eu pour cause le désir d’éviter une rupture avec l’Angleterre ; on pouvait se borner à l’envoi d’une croisière en Afrique ; lord Palmerston ne réclamait rien de plus ; il désirait seulement pouvoir affirmer au parlement qu’il avait obtenu du gouvernement français tout ce que la susceptibilité nationale permettait d’accorder. C’est l’esprit philantropique, l’influence des abolitionistes, les instances de leurs partisans les plus actifs, qui dictèrent le traité ; on put croire qu’il serait agréable à l’Angleterre et se réjouir de ce résultat, mais ce ne fut pas le motif qui le fit signer.

Ces faits ont échappé à la chambre des pairs ; M. le duc de Broglie n’a produit sa savante et lumineuse argumentation qu’à la fin du débat, et elle est demeurée sans réponse. Elle a, dit-on, vivement frappé les esprits et contribué au rejet de l’amendement de M. le comte Turgot.

Vous savez, monsieur, le résultat de la discussion ; à la chambre des pairs, tout a été mis en œuvre pour étouffer les résistances que soulevait le droit de visite ; aucune démarche n’a été épargnée pour fermer la bouche à ses adversaires ; l’esprit de réserve et de prudence, attribut particulier de cette chambre a été invoqué. On l’a conjurée de ne point intervenir dans cette