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LETTRES SUR LA SESSION.

quand ils étaient ouvertement et publiquement employés à la traite. Cet état de choses constaté par les documens officiels s’éloigne beaucoup du tableau tracé devant la chambre des pairs.

M. le duc de Broglie a présenté les traités de 1831 comme ayant été commandés par les circonstances et en quelque sorte imposés par l’Angleterre : « Fallait-il, » a-t-il dit à cette occasion, « à une époque où l’Angleterre était la seule puissance qui témoignât de la sympathie pour la révolution qui venait de s’accomplir ; fallait-il, dis-je, commencer par rompre directement avec elle ? Fallait-il lui signifier que le principe qu’on lui avait laissé appliquer jusque-là, nous entendions le lui contester ; que, si elle essayait de l’appliquer de nouveau, il s’ensuivrait des conflits et une prompte rupture ? Fallait-il, quand on avait la perspective menaçante d’une guerre universelle sur le continent, se mettre encore sur les bras une guerre maritime ? »

Ce serait pour le droit de visite une triste et regrettable origine que d’avoir en quelque sorte payé la rançon de la France en 1830, et servi de don de joyeux avénement à notre révolution, comme le traité du 20 novembre 1841 à M. Guizot auprès de lord Aberdeen. Mais, grace à Dieu, pour l’honneur de l’Angleterre et de la France, la négociation qui a produit le traité de 1831 n’a jamais eu le caractère qu’on lui prête, jamais la France ne s’est trouvée placée dans la désespérante alternative qu’on a exposée. Permettez-moi encore quelques citations qui rétabliront la vérité historique.

Le rapport du commandant anglais du 20 janvier 1831, étant parvenu à l’amirauté, sir James Graham, placé à la tête de ce département, communiqua ce document à lord Palmerston, qui tenait le portefeuille des affaires étrangères, et lui suggéra de solliciter de la France ou l’assimilation de la traite à la piraterie ou la concession du droit de visite réciproque. Lord Palmerston adopta cette pensée et donna des instructions conformes à lord Granville en le chargeant d’exprimer « l’intérêt que prend à cette question le gouvernement de sa majesté britannique, et son vif espoir qu’aucun sentiment de jalousie nationale n’empêchera la coopération cordiale de la France et de l’Angleterre dans un arrangement si honorable pour toutes deux et si avantageux à la cause de l’humanité. »

C’est à cette dépêche que M. le comte Sébastiani fit, le 7 avril 1831, la réponse lue par M. Billaut à la chambre des députés. Il refusait d’accepter aucun des deux moyens proposés et s’exprimait ainsi sur le droit de visite : « Le gouvernement français a déjà fait connaître à plusieurs reprises les motifs qui ne lui permettaient pas d’adhérer à de semblables propositions. Ces considérations n’ont rien perdu de leur force ni de leur importance. L’exercice d’un droit de visite sur mer en pleine paix serait, malgré la réciprocité qu’offre l’Angleterre, essentiellement contraire à nos principes et blesserait de la manière la plus vive l’opinion publique en France. Il pourrait en outre avoir les plus fâcheuses conséquences en faisant naître entre les marins des deux nations des différends susceptibles de compro-