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en nous remettant, pour être jugés par nos tribunaux, les navires français que ses croisières avaient arrêtés au-delà des possessions britanniques, comme suspects d’être employés à faire la traite. »

Ainsi le droit de visite, et non de recherche, s’exerçait à l’abri de certaines mesures de précautions, et les tribunaux de chaque nation n’étaient pas dessaisis du jugement des bâtimens de cette nation. Cependant il avait donné lieu à des abus, comme il est arrivé plus tard pour le traité de 1831, et il en résulta des réclamations qui firent accorder au pavillon français des franchises plus larges.

En effet, en 1829, les croiseurs anglais s’étaient emparés sur la côte d’Afrique des navires la Laure et la Louise, l’un comme espagnol, l’autre comme hollandais. Ils étaient français. Notre ambassadeur, M. de Montmorency-Laval, réclame le 4 juin 1830 : « Ces actes, » écrit-il à lord Aberdeen, déjà ministre des affaires étrangères à cette époque, « ces actes non-seulement constituent une violation du pavillon français et une atteinte au droit des gens, mais ils entravent encore l’action confiée aux croisières françaises pour assurer l’application des lois relatives à la traite des noirs. Sous ce double rapport, le gouvernement de sa majesté très chrétienne a cru devoir faire des représentations sérieuses au cabinet britannique, et réclamer de lui des instructions qui prescrivent aux commandans des croisières anglaises plus de réserve dans l’exercice de leurs fonctions, et qui soient en même temps de nature à prévenir le retour d’actes dont la répétition compromettrait la bonne intelligence, que, dans l’intérêt des lois sur la traite, il convient de maintenir entre les croisières des deux nations. »

Le 6 juillet 1830, lord Aberdeen accuse réception de cette dépêche, et annonce qu’il a demandé des renseignemens sur les faits dénoncés. En même temps, il envoie des instructions aux croiseurs pour qu’ils s’abstiennent de capturer en aucun cas des bâtimens français. Ces instructions n’ont pas été publiées, mais leur existence et leurs effets sont constatés par un rapport du commandant de la station de Sierra-Leone, qui, à la fin de janvier 1831, se plaint des abus que couvre et favorise l’inviolabilité accordée au pavillon français. Ce rapport est trop important pour que je n’en reproduise pas les propres termes. Après avoir dénoncé les progrès de la traite pendant les six derniers mois, il les attribue premièrement à la sévérité des nouvelles lois qui porte les négriers à proportionner leurs bénéfices aux risques qu’ils courent ; puis il poursuit : « La seconde raison est dans les ordres que j’ai reçus et qui m’interdisent toute intervention (interference) à l’égard du pavillon français ; comme on peut aisément se procurer des pavillons et papiers français pour quelques centaines de dollars, si quelque chose étonne, c’est qu’il se trouve encore sur la côte d’autres pavillons pour faire le commerce, et, quand nos instructions seront plus généralement connues, il n’y en aura plus d’autre. »

Ainsi, avant les conventions de 1831, le droit de visite seul était exercé, et une fois le pavillon français reconnu, toute liberté restait aux bâtimens, même