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excessive choquerait au sein du calme où nous vivons, et si la politique est exclusive et partiale, ce qui froisse quelques intérêts privés, elle ne se montre point violente et emportée, ce qui alarmerait le pays tout entier.

Mais les esprits sont loin de partager cette sécurité relativement à la politique extérieure ; le cabinet du 29 octobre a été constitué pour la paix, et l’on sait trop que, la voulant partout et toujours, il ne devait pas aisément reculer devant les sacrifices qu’elle imposerait à la dignité de la France. La convention du 13 juillet 1841 a témoigné un empressement exagéré à rentrer dans le concert européen, et les discours de M. le ministre des affaires étrangères ont, en plus d’une rencontre, laissé percer des dispositions qui blessaient les instincts généreux du pays. La plupart des appuis du nouveau cabinet n’ont pu se défendre eux-mêmes d’une secrète défiance, et les plus dévoués n’ont jamais accordé qu’une approbation pleine de regrets, et apporté au cabinet que le tribut d’une muette et douloureuse résignation.

Cet état général des esprits explique la place que la politique étrangère a occupée dans la discussion de l’adresse ; elle l’a due à la position particulière du ministère et aux angoisses de l’opinion.

C’est donc sur les affaires extérieures qu’a porté tout le poids du débat, et, parmi ces affaires, celle du droit de visite a tenu le premier rang ; l’importance de cette question m’autorise à en parler avec quelques détails.

Les débats de la dernière session et la polémique de la presse ont épuisé l’attention sur le droit de visite sans diminuer l’intérêt qu’il excitait. Les deux chambres s’étaient déjà prononcées presque unanimement contre les traités de 1831 et 1833, et les personnages politiques qui avaient passé aux affaires se défendaient presque tous d’y avoir pris part de près ou de loin. Cette année, ils ont trouvé des apologistes, peu nombreux, il est vrai, mais décidés. M. de Gasparin, dans la chambre des députés, envisageant la question seulement au point de vue religieux et philantropique, a déployé toute l’énergie d’une conviction puissante et obstinée, et, sans fournir de nouveaux argumens sur les intérêts de politique et de diplomatie, il s’est livré sur l’esclavage et la traite à de longs et intéressans développemens. M. de Broglie, dans la chambre des pairs, a courageusement revendiqué la solidarité du traité de 1831, qu’il n’avait point signé, comme de celui de 1833, conclu sous son ministère ; il s’est livré, pour les défendre, à une discussion approfondie, qui a, dit-on, exercé sur la chambre des pairs une influence notable, et qui cependant, je regrette de le dire, repose sur des assertions presque toutes contestables et quelques-unes matériellement inexactes. L’autorité de l’orateur, la juste confiance accordée à ses paroles, l’importance des nouveaux argumens qu’il a présentés, me paraissent exiger une réponse. M. Dupin l’a déjà faite en partie ; je vais essayer de la compléter.

Toute l’argumentation de M. de Broglie a reposé sur une comparaison entre les traités de 1831 et l’état de choses qu’ils ont remplacé. Selon lui, « d’un droit de visite unilatéral, ils ont fait un droit réciproque ; d’un droit de visite qui s’exerçait sans l’intervention de la France, ils ont fait un droit