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Pendant toute la journée on fut dans l’incertitude sur le sort des parlementaires. La malheureuse femme de sir William était dans toutes les angoisses du doute. Enfin le soir le général Elphinstone reçut une lettre du capitaine Conolly, qui était à Caboul, et qui lui annonçait la triste mort de l’envoyé.

Le major Pottinger se trouva alors chargé de l’agence politique, et à peine était-il entré en fonctions, qu’il reçut des ouvertures de négociations. Les conditions proposées étaient que les Anglais abandonneraient toute leur artillerie, sauf six pièces de canon, qu’ils livreraient tous leurs trésors, et que les hommes mariés seraient donnés pour otages, avec leurs femmes et leurs enfans.

Ici, nous rencontrons dans le livre de M. Eyre quelques simples lignes qu’on ne peut lire sans une pénible émotion. Le lendemain du jour du massacre de l’envoyé était le 25 décembre, le jour de Noël ! Noël, la fête des familles anglaises, le jour traditionnel de la joie ! Pour qui a vu un christmas anglais, pour qui sait combien est populaire cette réjouissance religieuse et domestique, il est impossible de contempler sans sympathie et sans tristesse cette faible troupe de chrétiens ensevelis dans les neiges de l’Asie, cernés par des masses d’infidèles et d’ennemis sans pitié, et se rappelant, en face de la mort et sous le coup des plus cruelles souffrances, la fête du foyer natal. « Jamais, dit M. Eyre, jamais un plus triste jour de Noël n’avait brillé sur des soldats anglais dans une terre étrangère. Le peu d’entre nous auxquels la force de l’habitude a fait encore échanger les vœux et les complimens d’usage l’ont fait avec des contenances et avec des paroles qui exprimaient tout autre chose que la joie. »

On a dit avec vérité qu’un conseil de guerre ne se bat jamais. Le major Pottinger s’opposait résolument à tout projet de négociation, n’ayant aucune confiance dans la bonne foi des chefs afghans ; mais il fut seul de son avis dans le conseil. Pour trouver les quatre familles demandées comme otages, on afficha dans le camp une circulaire avec l’offre de 2000 roupies par mois à qui voudrait se livrer volontairement. Mais les Afghans inspiraient une telle frayeur, que des officiers déclarèrent qu’ils aimeraient mieux tuer leurs femmes que de les exposer à de pareils dangers. On répondit donc aux chefs qu’il était contraire aux usages de la guerre de donner des femmes en otage.

La convention fut néanmoins conclue sans cette condition ; mais le départ des troupes fut, sous divers prétextes, différé jusqu’au 6 janvier. Les symptômes de trahison éclataient de toutes parts, et les