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Akbar demanda à l’envoyé s’il était toujours prêt à exécuter leurs conventions ; sir William répondit : « Pourquoi pas ? » À ce moment, les Anglais s’aperçurent qu’une troupe d’Afghans armés jusqu’aux dents s’approchaient insensiblement en formant un cercle autour d’eux. L’envoyé les montra au sirdar, qui lui répondit : « Oh ! ils sont dans le secret. » Puis tout à coup il cria : Begeer ! begeer ! « Je me retournai, dit le capitaine Mackenzie, et je vis le sirdar saisir le bras gauche de l’envoyé avec une expression de férocité diabolique peinte sur ses traits ; le sultan Jan s’était assuré du bras droit. Ils l’entraînèrent ainsi renversé, et le seul mot que j’entendis dire au malheureux sir William fut : « Az barae khooda ! Au nom du ciel ! » Je vis un instant sa figure, elle était pleine d’horreur et de surprise. » Le capitaine Lawrence dit aussi dans sa relation : « Tout à coup je me sentis saisir les bras, arracher mes pistolets et mon épée, et moi-même je fus violemment enlevé de terre et entraîné par Mahomed-Shah-Khan, qui me dit : « Venez vite, si vous tenez à la vie ! » Je me retournai et je vis l’envoyé étendu par terre, la tête placée où étaient tout à l’heure ses talons, ses mains emprisonnées dans celles d’Akbar, et la consternation et l’horreur peintes sur la figure. »

Le sirdar comptait garder l’envoyé comme otage, mais il paraît que sir William fit une résistance désespérée, et alors Mahomed-Akbar lui tira un coup de pistolet dans la poitrine. Son corps fut immédiatement taillé en pièces ; sa tête fut promenée dans la ville et montrée triomphalement à un officier anglais qui y était prisonnier, et ses restes mutilés furent exposés sur le principal marché de Caboul.

Il est certain que l’intention des chefs afghans était, non pas de massacrer leurs prisonniers, mais de les garder et de leur dicter des conditions. Dans l’entraînement de la vengeance, ils conservaient encore un certain esprit politique ; ils savaient que le gouvernement anglais était assez fort pour tirer d’eux des représailles signalées, et ils voulaient autant que possible tenir une porte ouverte aux négociations. Aussi firent-ils tous leurs efforts pour protéger leurs prisonniers contre la fureur de la multitude, et on les vit s’exposer plusieurs fois à la mort pour les sauver, et recevoir les coups qui leur étaient destinés. Le capitaine Trevor fut placé en croupe sur le cheval de Mohamed-Khan, mais il tomba et fut impitoyablement massacré. Son corps fut promené dans les rues de Caboul. Le capitaine Mackenzie monta aussi en croupe derrière un des chefs, qui prit le galop en se dirigeant vers un fort. Les balles sifflaient autour d’eux, et les barbares les poursuivaient en criant : Tuez le kafir (l’infidèle) ! Le