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der Burnes. M. Mac-Naghten et le général Elphinstone étaient dans le camp situé hors la ville ; le major Pottinger était dans le Kohistan ; le shah Soudja était dans le Bala-Hissar, qui est la citadelle de Caboul. L’envoyé, comme on appelait habituellement M. Mac-Naghten, reçut à huit heures du matin un billet dans lequel Burnes lui annonçait qu’une grande agitation régnait dans la ville, mais qu’il espérait pouvoir la comprimer. Ce furent les dernières lignes écrites par le malheureux Burnes ; une heure après, on reçut la nouvelle de sa mort. Il paraît que, trop confiant dans les dispositions du peuple, il repoussa tous les avis qui lui étaient donnés, et refusa de se réfugier dans la citadelle. Quand sa maison fut attaquée, il défendit à ses gens de faire feu, et monta sur une terrasse pour haranguer les assaillans ; mais malgré la résistance désespérée de ses soldats indiens, qui se firent tous tuer autour de lui, sa maison fut forcée ; il fut massacré avec son frère, et tout ce qui fut trouvé chez lui, hommes, femmes et enfans, fut impitoyablement égorgé.

Le roi (Shah-Soudja), qui était dans la citadelle, envoya un de ses fils avec un régiment pour rétablir l’ordre ; ils furent repoussés et rentrèrent dans le fort. Ce fut alors que les Anglais comprirent l’étendue de la faute qu’ils avaient commise en négligeant de s’assurer des points fortifiés. Au lieu de se retrancher dans le Bala-Hissar, qui commandait la ville, ils avaient disséminé leurs forces, et avaient établi leurs magasins en dehors de leur camp. Ce camp lui-même, ayant des lignes trop étendues, était presque impossible à défendre, et dès le commencement de l’insurrection, les communications furent coupées entre le camp où résidait l’envoyé, la citadelle où se tenait le roi, et les magasins qui contenaient les provisions. Les Anglais se laissèrent prendre par la famine.

Une sorte de vertige semblait avoir frappé le général Elphinstone. La faiblesse naturelle de son caractère était encore augmentée par de vives souffrances physiques. Comme il est mort honorablement, sinon glorieusement, au milieu de ses soldats, ses compatriotes ont respecté sa mémoire ; cependant il est permis de dire que, si dès le premier jour les assiégés avaient agi avec énergie et résolution, ils avaient encore des chances de salut. Leur première faute, la plus grande peut-être, fut d’abandonner presque sans résistance les magasins qui contenaient leurs provisions. En même temps, les détachemens cantonnés dans différens forts répandus dans la campagne se repliaient sur le camp. Le major Pottinger, obligé d’abandonner le Kohistan, se fit jour avec peine jusqu’au quartier-général. L’armée