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LA RUSSIE.

L’élève multiplie quatre mille cinq cents par douze et montre un total de cinquante-quatre mille.

Le prêtre. — Bien. De quel sexe sont les anges ?

L’élève. — Il serait difficile de le dire au juste.

Le prêtre. — C’est vrai ; mais quelle est leur forme extérieure ? Ressemble-t-elle à celle du sexe masculin ou féminin, ou, pour m’expliquer plus clairement, quels vêtemens portent-ils quand ils se montrent aux hommes ?

L’élève. — Des vêtemens qui tiennent le milieu entre ceux de l’un et l’autre sexe, une sorte de robe flottante.

Le prêtre. — Très bien.


Les popes sont pauvres, et cette pauvreté est une des causes radicales du peu de respect que les paysans leur témoignent, et bien souvent des vices qu’on leur reproche. Ils cultivent eux-mêmes, pour en tirer tout le produit possible, l’enclos et les champs joint à leur presbytère. Ils vivent, comme le paysan, d’une vie de labeur, et, quand ils en trouvent l’occasion, oublient, comme le paysan, avec la cruche de quass et le flacon d’eau-de-vie, le poids de leur misère. Tout en condamnant leur ignorance, leurs habitudes grossières, on ne peut en vérité s’empêcher de regarder avec un sentiment de sympathie et de pitié ces pauvres prêtres sans force et sans pouvoir, humbles d’ailleurs, patiens, et pleins de tolérance. Le simple serf les traite souvent à peu près comme ses égaux, le gentilhomme affecte à leur égard une supériorité dédaigneuse, la loi civile ne leur reconnaît aucun privilége. Ils peuvent être, comme tous les sujets de l’empire russe, envoyés en Sibérie, dépouillés de leur caractère sacerdotal, et condamnés à servir dans l’armée parmi les simples soldats.

Le clergé noir, qui a fait son éducation dans les couvens, est en général instruit, éclairé, et, sous tous les rapports, beaucoup plus respectable et plus respecté que celui des campagnes, quoique la chronique scandaleuse mêle parfois des cloîtres d’hommes et de femmes à de singulières histoires. C’est ce clergé qui enseigne, qui écrit, et occupe exclusivement les grandes dignités ecclésiastiques. La plus élevée était autrefois celle de patriarche. Au xvie siècle, les patriarches marchaient presque de pair avec les tsars et pouvaient entraver leur pouvoir. L’empereur de Russie n’a plus à craindre une telle rivalité ; il est lui-même le chef souverain, le patriarche de son église. Il la dirige et la gouverne comme bon lui semble. Toutes les affaires ecclésiastiques doivent être, il est vrai, traitées par une sorte de sénat spécial composé de plusieurs prélats, et qui porte le titre de saint-synode. Le président actuel du saint-synode est un colonel de cavalerie aide-de-camp de l’empereur : je laisse à penser ce qu’il reste de liberté au vénérable sénat sous ce régime militaire.

Le plus haut titre qui existe à présent en Russie est celui de métropolitain. Il y a un métropolitain à Moscou, un autre à Kieff, un troisième à Pétersbourg. Les deux premiers ont les siéges les plus anciens ; le troisième occupe, par sa résidence dans la capitale, le plus important. Viennent en-