Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/628

Cette page a été validée par deux contributeurs.
622
REVUE DES DEUX MONDES.

nérale de la nation comme une image dorée de Byzance sur les murs sombres d’une vieille église et tout à coup s’y rejoint par une action éclatante ou un lien miraculeux.

En 1421, le corps de saint Serge fut enlevé à la tombe pour être déposé dans une châsse, et, si on en croit la sainte chronique, après avoir été enseveli pendant trente années dans la terre, n’avait pas subi la moindre altération. En 1609, une armée de Polonais, conduite par Sapieha et Lissowski, assiégea le couvent ; la main de Dieu, qui protégeait les moines, émoussa les dards des Polonais, fatigua leur courage. Après seize mois d’attaques continues, d’assauts réitérés, ils se retirèrent tout honteux, n’ayant pas même pu franchir les remparts qui entourent le saint monastère. Ils portèrent leurs armes d’un autre côté, et le supérieur de Troïtza fit vendre les vases d’or et d’argent amassés dans le couvent, pour payer la solde des troupes qui essayaient de résister à l’invasion. — Les Polonais s’emparèrent de Moscou ; les religieux de Troïtza, par leurs exhortations, ranimèrent le courage des Moscovites et employèrent leurs dernières ressources à rassembler un nouveau renfort de troupes, à réunir des armes et des munitions. Les Polonais, vaincus sur plusieurs points, cernés de toutes parts, poursuivis avec ardeur, gardèrent pourtant leur conquête. Moscou, au désespoir, appela à son secours les hordes tartares, qui arrivèrent dans le pays comme alliés, et le ravagèrent comme d’implacables ennemis. Le généreux cloître de Troïtza, poursuivant sa noble mission, leur envoya, pour apaiser leur avidité, les ornemens de ses autels, les vêtemens de ses prêtres : c’était tout ce qui lui restait. Les Tartares, par un sentiment de délicatesse ou de piété qu’on ne se serait pas attendu à trouver parmi eux, refusèrent les dons des moines. Quelque temps après, les Polonais évacuèrent le pays. Trois ans plus tard, ils revinrent de nouveau assiéger le cloître miraculeux qui avait déjà lassé leur patience, essayant de s’en emparer par la ruse et la trahison, et furent comme la première fois forcés d’abandonner ces remparts infranchissables. — C’est dans les murs de Troïtza que Pierre-le-Grand se réfugia avec son frère Jean tandis que la révolte des Strélitz éclatait avec des cris de mort à la porte de son palais. C’est dans ces murs que les empereurs et les impératrices de Russie viennent tour à tour chercher les sages conseils de la sagesse ou le repos de la religion. — Sur la fin du xviiie siècle, la peste ravagea la ville, les environs de Moscou, et n’atteignit pas les domaines de Troïtza. Soixante ans plus tard, le choléra, plus cruel encore que la peste, porta pendant plus de quatre mois la mort et la désolation à Vladimir, à Jéroslaw, à Moscou, et le fléau s’arrêta encore à dix lieues de là, aux portes du couvent. Voici un autre fait qui n’ajoute pas peu à la gloire de Troïtza : quand les Français se furent emparés du Kremlin, disent les paysans russes, un de leurs régimens se dirigea vers Troïtza, bien décidé à s’emparer du couvent et à le piller ; mais Dieu ne permit pas à ces soldats impies de reconnaître la route qu’ils devaient suivre, il troubla leur intelligence et fascina leurs regards. Après avoir erré tout un jour sur le chemin qui leur était indiqué, ils se retrouvè-