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VOYAGEURS AUX ÉTATS-UNIS.

Le chapeau de paille, interrogativement : — Oui, monsieur ?

Le chapeau gris, affirmativement : — Oui, monsieur.

Tous les deux en duo, très lentement, et en regardant ceux qui passent :

— Oui, monsieur.

Nouvelle pause. Ils se regardent encore plus sérieusement qu’auparavant.

Le chapeau gris. — Cette voiture est en retard, si je calcule bien.

Le chapeau de paille, sur le ton du doute : — Oui, monsieur !

Le chapeau gris, regardant à sa montre : — Oui, monsieur ; de deux heures.

Le chapeau de paille, en élevant ses sourcils et d’un air de profond étonnement : — Oui, monsieur !

Le chapeau gris, d’un ton positif, en remettant sa montre dans son gousset : — Oui, monsieur.

Tous les autres voyageurs se parlant l’un à l’autre, dans l’intérieur de la voiture. — Oui, messieurs.

Le cocher se retournant, et d’un ton de mécontentement très vif : — Non, messieurs.

Le chapeau de paille, s’adressant au cocher, et avec un certain respect : — Oui, monsieur ; mais il me semblait que les derniers milles nous avaient coûté un assez bon bout de temps ; c’est un fait et un calcul.

Comme le cocher ne voulait pas entrer dans cette controverse, dont le sujet ne sympathisait pas avec ses idées, un autre voyageur prit la parole et s’écria : Oui, monsieur. Le chapeau de paille, par politesse, lui répondit de même, et le chapeau gris répéta les susdits mots sacramentels ; enfin le chapeau de paille demanda au chapeau gris si cette voiture n’est pas neuve. Il reçut la réponse accoutumée.

Le chapeau de paille. — Je m’en doutais. Elle répand une forte odeur de vernis, monsieur ?

Le chapeau gris. — Oui, monsieur.

Tous les voyageurs, du fond de la voiture : — Oui, monsieur.

Le chapeau gris, s’adressant en général et en particulier à chacun des voyageurs : — Oui, messieurs !

Enfin la capacité de chacun pour la conversation se trouvant épuisée, le chapeau de paille, qui était évidemment le plus actif comme le plus bavard de ces citoyens de l’Amérique, ouvrit la porte, s’élança