Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/440

Cette page a été validée par deux contributeurs.
434
REVUE DES DEUX MONDES.

a-t-elle gagné à cette seconde publicité ? Le patriotisme et la loyauté du général Foy ne suffisent pas toujours à donner à ses paroles de la consistance. Il arrive au lecteur qui parcourt les développemens un peu laborieux de cette éloquence, d’être attristé par la faiblesse, quelquefois même par l’absence de la pensée. La personnalité de l’homme est rarement assez forte pour soutenir l’œuvre, et cependant il y a vingt ans à peine que ce noble cœur a cessé de battre. Benjamin Constant est plus heureux ; l’écrivain appuie l’orateur. Ses discours n’ont pas sans doute la piquante valeur de ces pamphlets, de ces pages ingénieuses que n’aurait pas désavouées Voltaire : néanmoins ils en retiennent quelque chose, et cela suffira pour les faire relire. Pour vivre dans la postérité, il est utile sans doute d’avoir été proclamé un grand citoyen, mais il ne nuit pas non plus d’être un homme d’esprit.

« Je ne voudrais pas, dit M. Pasquier dans l’avertissement qui précède ses discours, qu’on me supposât une trop haute opinion du mérite de ces productions ; à Dieu ne plaise que j’aie la prétention de les donner comme des modèles, non que plusieurs d’entre elles n’aient eu en leur temps un certain éclat, et des effets assez considérables… » Voilà un ton quelque peu dégagé qui met la critique à son aise ; c’est sans crainte, sans timidité, que M. Pasquier présente ses discours au public. Il nous dit quelques lignes plus loin « qu’il croit pouvoir regarder le recueil de ses œuvres parlementaires comme un des élémens de l’histoire consciencieuse d’une époque où les débats législatifs ont tenu une si grande place. » M. le chancelier a soin de nous apprendre lui-même l’importance que nous devons attacher au cadeau qu’il nous fait ; peut-être y eût-il eu plus de tact à ne pas devancer ainsi l’opinion de ceux qui le reçoivent. Au surplus, le noble éditeur a traité ses discours avec une sollicitude toute paternelle ; il les a revus, corrigés, développés ; il en est quelques-uns même qu’il a dû récrire en entier. Cicéron en usait ainsi. Nous ne blâmons pas ces soins, cette coquetterie : quand on se présente à son siècle avec la prétention avouée de passer à la postérité, il est naturel qu’on cherche à se produire avec tous ses avantages.

La lecture des discours de M. Pasquier nous a convaincu de l’intérêt réel des documens qu’il met sous les yeux du public. Ces documens seront consultés avec fruit par l’historien, par l’administrateur, par l’homme politique : ils nous font voir le point où en étaient, sous la restauration, la plupart des questions qui nous occupent aujourd’hui, politique intérieure, politique étrangère, lois de finances,