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tour du roi, et ils voulaient restaurer avec leurs princes l’ancienne société. Contre la révolution, qui était pour eux un objet de scandale et de haine, ils méditaient à leur tour une autre révolution ; telle était la pensée qui dans le camp royaliste se montrait à demi ou se dévoilait tout entière, selon la faveur des circonstances et l’habileté des meneurs.

C’étaient là de grands débats. Les hommes d’une société nouvelle et les partisans d’un ordre antique aux prises les uns avec les autres, les idées modernes et les anciennes croyances se faisant une guerre acharnée, cette lutte se manifestant par des systèmes, par des émeutes, par des conspirations militaires, par des associations secrètes, les triomphes alternatifs des deux opinions qui divisaient la France, jusqu’à la péripétie finale qui éclate comme un coup de tonnerre, voilà une période de quinze années vraiment féconde. Quelle rapidité dans les vicissitudes des partis ! Après Waterloo, les royalistes exercent une influence exclusive qui leur est enlevée par l’ordonnance du 5 septembre 1816 ; pendant quatre ans, jusqu’au 13 février 1820, le parti libéral est en progrès et en prospérité. L’assassinat du duc de Berri livre entièrement le pouvoir aux royalistes, qui le gardent sept ans. Le 4 janvier 1828, l’avénement de l’administration Martignac était l’aveu officiel du triomphe des opinions libérales, aveu que Charles X retira l’année suivante pour remettre le gouvernement aux mains d’un parti dont la France était lasse. Le ministère de M. de Polignac n’avait pas un an d’existence quand la monarchie tomba. Pendant cette remarquable époque, que de talens et de réputations ont brillé ! La restauration nous présente, pour ainsi parler, la fleur de l’éloquence parlementaire et de la littérature politique : les discours et les écrits qu’elle a produits nous offrent des accens plus passionnés, des couleurs plus vives que ce qui se fait et se dit aujourd’hui ; on y remarque tout ensemble plus de foi et plus d’art.

Dans cette histoire de la restauration, au milieu de ses acteurs, M. Pasquier demande aujourd’hui une place. À ce personnage éminent qui aurait pu contracter une certaine satiété des choses et des hommes à travers les vicissitudes et les impressions diverses qu’il a traversées, on dirait que le goût de la réputation littéraire est venu. C’est une ambition qui, pour se montrer la dernière, n’a pas moins d’exigences que les autres. D’ailleurs les circonstances ont dû paraître favorables à M. Pasquier pour rassembler sous les yeux du public ses titres oratoires et parlementaires. Nous avons aujourd’hui tant d’impartialité, nous comprenons si bien toutes les opinions et tous les