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DISCOURS PARLEMENTAIRES.

la fortune abandonnait, et ç’a été la gloire de la France d’exciter encore l’envie, même dans l’abîme où elle était tombée. Aussi les puissances coalisées travaillèrent à élever contre la France de menaçantes barrières ; elles la repoussèrent dans ses anciennes limites, qu’elles ne respectèrent pas même sur tous les points. Les peuples qui avaient été les alliés ou les sujets de l’empire français devinrent pour nous de redoutables gardiens, et l’on n’entendit plus sur les rives du Rhin, de l’Escaut et du Var que le qui vive ? des sentinelles étrangères.

C’est dans cette France, ainsi cernée de toutes parts, que les Bourbons furent mis face à face avec un peuple qui ne les connaissait pas. Quand Charles II entra dans Londres, il ne trouva pas une nation nouvelle. Les luttes parlementaires de 1640, pour avoir dégénéré en guerre civile, n’avaient rien changé au fond de la société anglaise. En France, au contraire, la révolution avait été complète ; elle ne s’était point arrêtée aux surfaces de la vie politique, et elle avait pénétré jusque dans les derniers replis du corps social. Cette différence n’avait pas échappé à l’ingénieuse industrie de ceux qui mirent dans la bouche de Charles X, arrivant à Paris avant Louis XVIII, ce mot plein de convenance : « Il n’y a rien de changé, ce n’est qu’un Français de plus. » La maison de Bourbon semblait ainsi s’excuser de se voir elle-même si peu en harmonie avec cette France dont elle venait reprendre le gouvernement : vingt-cinq ans l’avaient vieillie de deux siècles.

Les passions qui sous la restauration s’entrechoquèrent furent sincères et élevées. Dans les partis qui militèrent, l’un pour la monarchie, l’autre pour la liberté, il y avait une foi vive, et cette ardeur dans les convictions donne à cette époque un caractère noblement dramatique. À peine remise des émotions de la guerre, la France se jeta dans les agitations de la vie politique. La liberté devint pour elle un dédommagement, la Charte un instrument de civilisation. C’est au moment où l’on eût dit que l’esprit du siècle était abattu, qu’il déploya le plus de forces : les travaux de la paix s’organisèrent ; les moyens propriétaires, les industriels grands et petits, les commerçans, les banquiers, eurent bientôt la conscience qu’ils représentaient le pays, depuis que l’aigle impériale n’était plus le symbole de la France. Mais ils avaient en face d’eux un parti considérable et puissant, car il détenait entre ses mains presque toute la grande propriété, et les événemens paraissaient favorables à ses desseins, à ses espérances. Les royalistes ne se contentaient pas du re-