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nos prisons les travailleurs qui leur sont nécessaires, leur prospérité a atteint son point culminant ; elle doit même décliner, à moins d’un débordement de crimes qui n’est pas probable dans ce pays. Il reste donc démontré que le travail doit être fourni par des sources d’approvisionnement autres que la déportation, si l’on veut que la Nouvelle-Galles et la terre de Van-Diemen continuent de prospérer. »

On voit que, si l’émigration combinée avec le travail des condamnés a eu pour effet d’enrichir les colonies australes de l’Angleterre, cette prospérité essentiellement transitoire est à la veille de subir une transformation ou d’éprouver un temps d’arrêt. Les travailleurs libres peuvent seuls achever ce que des serfs ont commencé ; de là l’imminente nécessité pour le gouvernement anglais de renoncer au système de la déportation, car partout où les esclaves cultivent les terres, les hommes libres refusent de manier la charrue. Mais, si l’émigration n’a pas suffi à développer complètement la richesse matérielle, elle a été absolument impuissante à corriger le vice originel de cet état social. La corruption a succédé à la violence, un désordre à un autre ; voilà tout. À la place d’un bagne, on a une colonie à esclaves, et la pire sorte d’esclavage, celui qui est imposé comme peine aux malfaiteurs. L’histoire de cette grande anomalie s’arrête là.

Essayons maintenant de saisir dans le vif les principaux traits de la colonie pénale. Prenons-la telle qu’elle est et au point où elle est arrivée. Examinons les effets que ce régime produit sur les déportés, sur la société coloniale et sur la métropole elle-même. Tous ces points de vue ont été soigneusement étudiés par le comité de la chambre des communes, et nous n’aurons guère qu’à dépouiller les documens qu’il a recueillis. Voici d’abord la situation des déportés.

Lorsque la sentence a été rendue, les condamnés à la déportation sont enfermés dans les geôles ou envoyés sur les pontons, où ils restent jusqu’au moment de leur départ. À bord des vaisseaux qui les transportent, ils sont sous le contrôle du chirurgien en chef, qui reçoit lui-même ses instructions de l’amirauté. Les précautions que l’on a prises contre les épidémies, et la discipline que l’on maintient sur ces bâtimens, ont notablement diminué les souffrances inhérentes à une aussi longue traversée, et ont prévenu la mortalité qui sévissait parmi les condamnés dans une proportion effrayante, durant les premières années de la déportation[1] ; mais ces mesures n’ont rien ôté

  1. En 1790, sur 1,000 condamnés pris en Angleterre ou en Irlande, 281 périrent pendant la traversée.