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d’Élisabeth et de Charles Ier. La quatrième année du règne de George Ier, cette peine prit le caractère qu’elle a conservé depuis, en joignant à l’exil dans un lieu déterminé la servitude du travail forcé. L’acte du parlement donne aux personnes qui se chargeront de transporter les condamnés dans les possessions anglaises de l’Amérique, et à leurs héritiers ou représentans, le droit de disposer en toute propriété du travail de ces malfaiteurs, pour la durée de leur condamnation. Ceux-ci étaient mis aux enchères et vendus comme serfs ou engagés à temps. C’était une véritable traite, qui se faisait ouvertement et sous la protection de la loi.

On sait ce qu’un pareil régime souleva d’indignation dans les colonies anglaises, et avec quelle énergie Franklin reprocha un jour au gouvernement britannique de vider sur le nouveau monde les prisons de l’ancien. La guerre de l’indépendance ayant interrompu la régularité de ces exportations, et les geôles de la Grande-Bretagne ne pouvant plus contenir la multitude croissante des condamnés, il fallut aviser sans perdre de temps. Le système pénitentiaire, déjà confusément entrevu par quelques publicistes et vaguement prescrit par un acte du parlement, loin de pouvoir passer dans la pratique administrative, n’était pas encore arrivé à l’état de science. D’un autre côté, l’on craignait d’offenser et d’irriter les colonies américaines qui étaient demeurées fidèles, en les désignant pour être le lieu d’exil des malfaiteurs. On résolut donc de fonder une nouvelle colonie, qui aurait cette unique destination, et par un ordre du conseil, qui porte la date du 6 décembre 1786, on choisit la côte orientale de l’Australie pour y former l’établissement pénal.

Jeter les fondemens d’une colonie a toujours été une tâche difficile ; mais ces difficultés augmentent nécessairement dans une forte proportion, lorsque les élémens de la nouvelle société sont des hommes que la civilisation a rejetés de son sein. « Les condamnés que l’on transportait en Amérique pendant le dernier siècle, dit sir W. Molesworth, entraient dans des sociétés dont le noyau était formé par des hommes probes et tempérans ; ces enfans de l’imprévoyance se trouvaient jetés un à un au milieu d’une population déjà compacte qui les absorbait et se les assimilait aussitôt. Ils se voyaient dispersés et séparés l’un de l’autre ; quelques-uns contractaient les habitudes d’une honnête industrie, et ceux que la peine ne réformait point avaient du moins la chance de ne pas perdre, en traversant cette épreuve, ce qui leur restait de moralité. Dans la Nouvelle-Galles du sud, au contraire, la population se composait de la lie de la métropole,