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ÉTAT DE LA PHILOSOPHIE EN FRANCE.

n’enseignent pas le panthéisme ; ils n’enseignent ni le panthéisme ni aucune des odieuses doctrines qu’on leur prête. Si quelqu’un d’entre eux enseignait le panthéisme, il serait à l’instant mis en demeure de s’amender ou de se retirer ; et j’ajoute que sa destitution serait provoquée ou prononcée par celui-là même qu’on affecte de regarder comme le propagateur du panthéisme en France. Il n’y a pas dans l’Université un seul professeur de philosophie qui en doute, et l’opinion opposée est tellement étrange, tellement contraire à des faits publics et notoires, que la bonne foi de ceux qui la soutiennent doit paraître au moins suspecte.

Est-il donc vrai que M. Cousin soit panthéiste ? Au moins a-t-il peu de zèle, lui chef d’école, pour sa doctrine ; car il la poursuit, il la condamne, il la réfute. Eh bien ! je le reconnais, personne ne s’est jamais avoué panthéiste, et Spinosa lui-même repoussait cette imputation ; mais autre chose est de repousser le nom, autre chose de nier la doctrine sous sa formule ; et cette négation, M. Cousin ne l’a pas épargnée. Qu’est-ce donc que le panthéisme, et en quoi consiste-t-il ? Le panthéisme consiste à identifier Dieu et le monde. Ce n’est pas un athéisme déguisé, c’est un athéisme déclaré, comme le dit M. Cousin lui-même dans sa préface de Pascal. Et en effet, dire que Dieu n’existe pas, ou que c’est le monde qui est Dieu, n’est-ce pas, sous deux formes, exprimer la même pensée ? Et qu’est-ce donc que l’idée de Dieu, s’il en reste quelque chose dans ce prétendu Dieu des panthéistes, dans cet être nécessaire dont nous-mêmes faisons partie, et qui n’est que collection et durée successive ? Dieu est un être éternel, indivisible, parfait, substance séparée du monde, cause de toutes les substances particulières, cause intelligente et libre qui connaît ses créatures et les gouverne, et dans la plénitude de sa bonté les mène, à travers les épreuves de cette vie, vers le plus grand bien que leur nature comporte. Tel est sur la nature de Dieu et ses rapports avec le monde l’enseignement de M. Cousin. Voilà le panthéisme qu’il a professé vingt-cinq ans à l’École normale, quatorze ans devant deux mille auditeurs à la Faculté des lettres. Il a démontré l’existence de Dieu par la contingence du monde ; étrange démonstration, si le monde est Dieu ! Il a démontré la liberté de Dieu et la liberté de l’homme ; étrange théorie pour un leibnitzien, si Dieu et l’homme ne sont qu’un même être ! Ne l’a-t-il fait qu’une fois ? c’est le fonds même de sa doctrine. Quelle est sa méthode ? N’est-ce pas la méthode psychologique ? Et quelle est sa psychologie ? En quoi consiste-t-elle, ou du moins quelle en est la théorie capitale ? N’est-ce