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monstrative de la raison à poser les fondemens de la foi, et à établir cette autorité au-dessus de la raison elle-même.

Ainsi frappé dans le fondement de toute sa doctrine, M. Bautain ne se rebuta pas ; à défaut de cette intelligence qu’il avait rêvée, il se servira de cette raison qu’il avait crue impuissante, et voici ce que d’abord cette raison lui fait connaître : « La vie part d’un foyer un, de l’être, source de toute vie, qui la rayonne hors de lui. Elle est déterminée ou posée en formes, et la forme posée est ce que nous appelons existence. La vie est une en elle-même, une dans tout l’univers, et tout ce qui vit en forme déterminée ne vit que par la vertu de la vie une, etc. » Ce n’est pas la parole chrétienne assurément qui a révélé à M. Bautain ce rayonnement, et ces formes posées et déterminées en existences ; M. Bautain n’ignore pas sans doute qu’il se sert des termes mêmes et des formules du panthéisme alexandrin, de ce fameux système des émanations ou des rayonnemens (car ces deux métaphores s’employaient l’une pour l’autre dans l’école) auquel on veut renvoyer l’éclectisme moderne comme à sa source native. Il faut sans doute faire deux parts de la philosophie de M. Bautain, renvoyer ce rayonnement et cette vie unique dans tout l’univers qui vit en forme déterminée, aux leçons qu’il a reçues de M. Cousin à l’École normale ; et réserver le reste du système pour la parole chrétienne scientifiquement exprimée. Le premier rayonnement de l’être un, source de toute vie, c’est la nature, c’est-à-dire la plastique de chaque être, son extrême dedans, la force centrale qui attire si puissamment l’esprit de vie, et qui est la racine du développement de l’existence, la substance fixe, stable, indestructible. « Cette substance sort d’elle-même sous l’action et la direction de ce rayon excitateur ; elle pose quelque chose d’elle au dehors, elle évolue, irradie. » Cette nouvelle irradiation est l’esprit de la nature. L’esprit devient le mâle et la nature la femelle, et de leur accouplement naît le monde. Un monde ainsi produit se compose nécessairement d’esprits et de plastiques, d’irradiations et d’accouplemens, et il en découle une physique et une psychologie dans lesquelles tout résulte du principe mâle et du principe femelle, et qui aboutissent à faire de l’homme un acide et de la femme un alcali. L’homme et la femme ne sont que deux moitiés, un acide et un alcali, qui ont besoin de s’unir pour former ce qu’il plaît à M. Bautain d’appeler une indivi-dualité (avec un trait-d’union), c’est-à-dire, ajoute-t-il, une dualité indivisible. Tout cela ne laisse pas que d’être plaisant. L’auteur donne naissance d’un coup de baguette à une foule d’es-