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les Espagnols trouvent bon d’être traités de la sorte, ils n’ont rien de mieux à faire que d’envoyer une députation à Bourges supplier le rey netto de vouloir bien les gouverner et les livrer à l’inquisition.

Pour ce qui concerne les rapports de la France avec l’Espagne, notre gouvernement s’est dignement conduit à l’endroit de nos agens à Barcelone ; nous nous sommes empressés de le reconnaître. Reste à savoir quelles sont au juste les réparations qu’il a obtenues du gouvernement de Madrid. M. Guizot s’en expliquera sans doute sous peu de jours à la tribune. Attendons.

Les généraux anglais ont laissé d’horribles souvenirs dans l’Afghanistan. Nous aimerions à croire que ces atrocités n’ont été que la vengeance d’un soldat irrité, un emportement individuel, et non une mesure froidement calculée et commandée par le gouvernement. Hélas ! cela est difficile à penser. Les faits sont trop graves, et il paraît qu’ils se sont répétés dans plus d’un endroit. C’était évidemment un plan médité et concerté d’avance, un acte de politique. À la vérité, il ne nous est pas donné d’en comprendre l’utilité. On a voulu, dit-on, effrayer les habitans de Lahore, de ce royaume que l’Angleterre se proposerait d’occuper. L’explication est ingénieuse. Est-elle fondée ? Nous l’ignorons. Toujours est-il que le gouvernement anglais a cru que ces actes lui seraient utiles, et il n’a pas hésité à les réaliser. L’Angleterre est un des pays où la double personnalité, celle de l’individu et celle de l’état, se montre de la manière la plus frappante. C’est encore un trait de ressemblance de l’Angleterre avec Rome ancienne. L’état est un dieu inexorable auquel tout doit être sacrifié.

Certes il n’y a que justice à reconnaître que les Anglais sont en général des hommes religieux, humains, charitables ; il n’y a pas de peuple qui, dans sa vie privée, offre moins d’exemples de violence, de cruauté, de barbarie. Mais l’intérêt de l’état paraît-il l’exiger ? les mêmes hommes oublient complètement leur individualité et exécutent tranquillement les actes les plus contraires à leurs sentimens naturels. L’un bombarde Copenhague, l’autre laisse, au mépris d’une capitulation, pendre l’amiral Caracciolo ; en Grèce, on livre Parga ; aux Antilles, en 1832, pour réprimer une insurrection de noirs, après en avoir tué deux cents dans l’action, on en fait exécuter cinq cents par la main du bourreau. Ce ne sont pas là des actes d’emportement, de colère, de révolution : non. C’est comme le sénat de Rome, c’est comme le conseil des dix. Ce n’est pas la passion, c’est la logique qui commande. Peut-on se dire : Suprema lex esto ? Tout est dit. Il n’y a plus d’objection ni de scrupule possible. Ajoutons que cette inexorable politique ne se retrouve qu’au sein des aristocraties. Serait-ce à ce régime sévère, impitoyable, que les aristocraties doivent la longue durée de leur vie politique ? C’est là probablement l’opinion de ceux qui approuvent ce régime ou qui le pratiquent.

La Suisse vient d’entrer dans une phase nouvelle. En suivant la rotation prescrite par le pacte fédéral entre les trois cantons directeurs, Zurich, Berne