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REVUE. — CHRONIQUE.

à notre population, des acheteurs à nos producteurs des matières premières, multipliez les communications, les rapports entre les divers foyers de la production, de la consommation et de l’échange, et alors, mais alors seulement, ces grandes dépenses seront des sources abondantes de revenu pour le pays. Nous ne voulons pas des ponts, des routes, des canaux, des chemins de fer, uniquement pour les admirer comme on admire l’arc de l’Étoile, ou la façade du Louvre. Ce serait accorder à messieurs les ingénieurs une salle d’exposition beaucoup trop vaste et beaucoup trop coûteuse. C’est bien assez de celles qu’on accorde à nos légions de peintres et d’industriels. Les travaux publics de communication et de commerce sont avant tout du domaine de l’utile. Et, en définitive, leur utilité se proportionne aux capitaux dont le pays dispose. Que serait un chemin de fer en Valachie si par un miracle on pouvait l’y établir du matin au soir ? Une pure curiosité. Les chemins de fer seront productifs chez nous, mais leur utilité s’accroîtra comme le capital travaillant en France. Ce serait donc une erreur, une erreur grave, nuisible au pays et contraire, en particulier, au succès de l’entreprise même des chemins de fer, que de repousser les capitaux que les compagnies particulières ne manqueraient pas d’attirer en France, si elles parvenaient à se former à des conditions raisonnables.

Espartero a consommé ses coups d’état. Les cortès sont dissoutes et les impôts exigés sans loi qui en autorise la perception. Que les Espagnols doivent être fiers de leur révolution de septembre ! Quel rare service leur ont rendu ceux qui l’ont fomentée ou conseillée ! L’Espagne a obtenu en partage l’honneur de tomber sous le bon plaisir du général Espartero. Il y a vraiment là de quoi perdre la tête de satisfaction et d’orgueil ! Le noble duc a voulu que l’Espagne sache bien à quoi s’en tenir ; il n’aime pas le doute, l’ambiguïté. Ses coups d’état sont clairs, nets, décisifs : la première ville d’Espagne bombardée, la peine de mort prodiguée par ordonnance des agens subalternes du duc (les Espagnols insurgés ne méritaient pas même l’honneur d’un décret du régent) ; une contribution de 12 millions imposée sans loi, non-seulement aux coupables, mais à la ville tout entière, aux coupables, aux innocens, aux auteurs du mouvement comme à ceux qui en ont été les victimes (le gouvernement d’Espartero n’aime pas les distinctions) ; les cortès dissoutes par un décret sans contre-seing des ministres, les impôts perçus sans autorisation de la loi. Avions-nous tort de dire, au bruit du bombardement de Barcelone, qu’Espartero avait franchi le pas fatal, et que désormais rien ne pouvait plus l’arrêter dans la carrière de l’illégalité ? La prédiction était facile, comme il serait facile d’en ajouter d’autres à celle-là. Mais ne cherchons pas à devancer les évènemens ; simples spectateurs, complètement désintéressés dans ces luttes déplorables, nous pouvons attendre sans impatience les récits de l’histoire ; c’est un spectacle si dégoûtant, qu’on n’a aucune envie de l’anticiper par la prévision. Répétons seulement que si