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rien. Ce ne sont plus des origines obscures et des efforts souvent stériles qu’il faut décrire, mais une succession variée de conquêtes irrésistibles ; je n’ai prétendu qu’ébaucher ses premières phases, la plus intéressante et la plus dramatique portion de sa grande histoire. J’ai surtout voulu montrer qu’elle appartient non à une industrie matérielle et à un hasard heureux, mais à la pensée humaine, agissant sur la nature et sur elle-même, par ce merveilleux travail qui ne finira qu’avec le monde. J’ai cherché et reproduit, avec une fidélité qui ne semblera superficielle qu’à ceux qui n’ont pas soulevé les montagnes de volumes entassés par l’imprimerie en son propre honneur, le curieux drame qui résulte toujours du conflit de cette pensée civilisatrice et des passions humaines qu’elle heurte, éveille, secoue, froisse ou favorise dans son progrès. De là ces anecdotes si romanesques et si parfaitement authentiques, ces caractères si finement dessinés et si vivement colorés, ce Faust, cette Lucrèce, cet Érasme, ce Gutenberg, qui montrent de temps à autre leur figure expressive, et jouent rapidement leur rôle actif dans les origines philosophiques de la presse. Je la laisse au moment où elle a consolidé son pouvoir ; elle n’a pas besoin de mes éloges ; les despotismes ne manquent jamais de voix qui les exaltent.


Philarète Chasles.