Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
LES ORIGINES DE LA PRESSE.

moteurs de l’imprimerie, ou plutôt les premiers imprimeurs. Ils avaient fait les cathédrales, les avaient ornées, sculptées, festonnées et chargées de vitrages transparens accompagnés de légendes. Tous les arts s’étaient développés sous leur main. Le clergé s’était tout approprié, jusqu’aux jeux ; il avait insinué son ame et son esprit dans toutes choses. Il avait pris le drame, la satire, la caricature, l’ode, la musique, et, rapportant à Dieu et à lui-même toutes les créations, tous les plaisirs, tous les besoins de l’homme, il l’avait cerné et enveloppé de toutes parts. On peut blâmer si l’on veut, on ne peut nier ce caractère populaire et universel du catholicisme qui se lit dans nos cathédrales et dans les mystères qu’il y a fait jouer. Le moyen-âge, gigantesque fusion, était nécessairement synthétique. Cette synthèse catholique a touché son apogée au XIIIe siècle.

Pas de belle église qui ne fût ornée de ses verreries, enchâssées et brillantes comme des diamans, tachant çà et là le pavé de pourpre, d’azur, d’orange, et présentant toute l’histoire de la Bible resplendissante au soleil. C’était la Bible du pauvre. Il ne savait pas lire, mais il voyait. Ne pouvant empêcher les passions ni le développement des facultés humaines, le clergé, c’est-à-dire l’esprit catholique, les avait confisquées à son profit ; ainsi il avait pris les bateleurs, il avait fait jouer des jongleurs, il avait écrit et représenté des comédies, il s’était emparé de la musique. Quand il vit les cartes à jouer courir entre les mains de tout le monde, il essaya d’appliquer les cartes à des usages plus nobles et plus pieux. On y perdait de l’argent ; il voulut qu’on espérât y gagner son salut.

On s’était fort épris du jeu de cartes. De toutes les dynasties, la moins périssable assurément est celle du roi David, de Salomon et de César, têtes graves que nous connaissons tous, qui portent si bénévolement leur diadème innocent, et que Rabelais semble avoir résumées dans la benoîte figure de son Pantagruel. Un monarque du jeu de cartes n’est pas à mépriser ; c’est l’idéal d’un roi selon le peuple du moyen-âge, qui voyait en lui son paternel défenseur contre les suzerains. Rien de plus historique que ces figurines aux jambes écartées et aux yeux écarquillés, et ce petit éventail que tient la reine Judith, et la pique du varlet ou valet, notre ami Hector, et son air mutin, et les armoiries des reines, blason si large qu’il couvre la moitié de leurs chastes corps, et les piques symboles des soldats, et les trèfles symboles des paysans, et les carreaux symboles des bourgeois, et les cœurs symboles des femmes. Tout enfans, nous cherchons le sens de ces mystères et nous causons quelques heures avec