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place à ceux qui se sentiraient tout d’abord plus disposés à le haïr. Nous ménagerons encore une place pour les gens de loisir qui ne se prêteraient qu’à écouter un piquant babillage. Mais, parmi ces derniers, si quelques-uns le trouvent amusant, un plus grand nombre ne manquera certainement pas de le trouver impertinent. M. Beyle, fidèle en cela au précepte du fabuliste, n’a voulu de chaque matière que la fleur ; même là où il semble qu’il n’y en ait pas. S’il fait de l’histoire, il n’est pas pour cela un historien, ni un métaphysicien s’il fait de la métaphysique ; non, car il n’en prend qu’à son aise : en tout il est un dilettante ; il fait du dilettantisme sur la métaphysique, la politique, l’économie politique, l’histoire, la physiologie, la morale, et enfin et surtout sur l’esthétique, pour parler allemand avec un mot grec.

Le premier des livres de M. Beyle, par ordre de date, est le volume des Vies de Haydn, Mozart et Métastase, auquel l’analogie nous fera adjoindre la Vie de Rossini, publiée beaucoup plus tard. Les Lettres sur Haydn ont été en partie traduites de Carpani. L’auteur ne l’a pas annoncé sur le titre, et c’est un tort. En revanche, il donne la Vie de Mozart comme traduite de l’allemand d’un certain M. Schlichtegroll, que je soupçonne fort, jusqu’à plus ample informé, de n’être autre que lui-même. On trouve là, comme dans les Lettres sur Haydn, beaucoup de manières de voir, beaucoup de traits qui lui sont propres, et cette considération nous paraît le laver un peu, quant aux Lettres, du crime de plagiat. Il dit d’ailleurs dans une note qu’il n’y a peut-être pas dans cette brochure une phrase non traduite de quelque étranger. Nous ne connaissons point l’ouvrage original de Carpani ; mais, à en juger par la contexture de ces lettres, les détails biographiques et le récit auraient seuls été empruntés à l’auteur Italien. Quant à la plupart des appréciations, et surtout quant aux digressions sur la musique en général, elles sont on ne peut mieux marquées au coin des idées constantes du traducteur.

En musique, comme en tout, M. Beyle se fait Italien ; il prend parti pour la mélodie. Il veut bien admirer profondément Haydn et Mozart, mais Beethoven ne sera déjà plus pour lui qu’un génie fougueux et singulier ; quant à Weber, il ne le nomme une fois que pour lui jeter une phrase du dernier mépris. Il le traite presque comme il traite La Harpe. L’harmonie ne lui paraît être que le fruit patient de l’étude, fruit également accessible à tous les hommes qui auront une égale dose de persévérance ; il n’en reconnaît pas moins que, « plus il y a de chant et de génie dans une musique, plus elle est