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pédans de style, qu’il fait cet éloge de Fontana à propos de son Tempio Vaticano : « Ainsi que les ouvrages des hommes qui ont agi, celui-ci est plein d’idées, et l’auteur ne songe pas au style. Ces manières de voir, même dans ce qu’elles pouvaient avoir d’injuste, ne lui étaient pas tellement personnelles qu’on ne les retrouve dans un écrivain qui avait, comme lui, porté l’épée, comme lui, aimé l’Italie, comme lui, mêlé les goûts de l’étude aux travaux de la guerre, et qui devait plus tard, avec un esprit semblable à quelques égards, arriver à une gloire plus grande par des moyens tout différens. Ce n’est pas, en effet, de Paul-Louis Courier qu’on peut dire qu’il ne songeait pas au style ; mais il n’y cherchait la beauté que par la force, et M. de Stendhal l’a plus d’une fois consulté. Quant à ce dernier, la littérature de son temps n’était pas pour lui une littérature, elle lui paraissait manquer d’intelligence, de vie, d’inspiration, de vérité : il s’est piqué de créer, sinon un genre, au moins des ouvrages qui tireraient leur mérite de ces seules qualités, abstraction faite de toute forme littéraire ; mais emporté par l’esprit de réaction contre la littérature de mots et de phrases, contre les idées et les formes académiques, contre les Laharpe et les poétiques, contre les littérateurs estimables, les bons hommes de lettres, les gens moraux et tristes, partout où l’humeur l’entraîne, il a perdu de vue dans ce jeu d’escarmouche, dans ces habitudes de petite guerre et de combats d’avant-garde, l’importance de la discipline et de l’ordonnance des ensembles ; il a trop méconnu la valeur du soldat qui combat en ligne, et il a réduit ses espiègleries en erreurs.

Quoi qu’il en soit, tout cela partait d’une vue juste et nette, et bien hardie de son temps ; M. de Stendhal avait compris tout d’abord que plus Voltaire est Virgile, moins il est Virgile[1], c’est-à-dire qu’une littérature, comme un homme, doit d’abord être soi, qu’elle n’existe qu’à cette condition, et qu’elle a à se chercher elle-même, non dans les modèles et les règles du passé, mais dans les besoins, dans l’esprit, dans tous les rapports qui doivent l’unir intimement à la vie de son temps. Ce fut à chercher ces rapports qu’il s’appliqua ; de là le plan d’études que nous avons tracé. C’est pendant ces deux années de retraite au milieu de Paris, de vingt à vingt-deux ans, qu’il refait lui-même son éducation de collége, non sur des livres classiques trop oubliés, mais sur Cabanis, sur M. de Tracy, sur Montesquieu, sur Montaigne, et son intelligence en est déjà au point où

  1. Mot de Montesquieu sur La Henriade.