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la fin des coups terribles aux sauvages, et expira en s’écriant « Tirez-vous de là à coups de fusil, mes braves garçons, c’est mon destin de mourir ! » Et neuf des siens tombaient à ses côtés ! Peu à peu les sauvages se rallièrent ; c’en était fait de la petite troupe, serrée de près, lorsqu’une fusillade soutenue avec vigueur permit à ce qui restait d’émigrans de se frayer une route, de faire une brèche dans cette muraille vivante. Poursuivis dans leur retraite, menacés d’une attaque nocturne, ils se cachèrent au plus épais d’un champ de maïs pour attendre au passage les espions qui cherchaient à découvrir où ils camperaient cette nuit-là, et ils tirèrent si juste, qu’aucun de ces sauvages ne retourna porter à son roi le message attendu.

Le jour même de cette sanglante et désastreuse affaire, un corps de huit à neuf cents hommes, Anglais et sang-mêlés des établissemens de Port-Natal, s’était mis en marche pour seconder l’attaque des Boors sur le kraal des Zooloos ; la moitié seulement de ces audacieux pionniers portait des armes à feu. Sur les bords de la Tugala, ils rencontrèrent un poste militaire de Zooloos, habilement placé au sommet d’une colline escarpée qui dominait de toutes parts un terrain coupé de ravins et entièrement nu. Cette fois comme toujours, les émigrans ne songèrent même pas à reculer ; ils tentèrent follement d’enlever cette position. Le nombre des sauvages, doublé par l’arrivée de divers renforts, s’éleva bientôt à douze mille. Cette armée put prendre immédiatement l’offensive, et il ne resta d’autre chance aux émigrans que de former le cercle ; ils offraient un front fort rétréci, puisqu’il avait fallu mettre au centre les hommes non armés de fusils. La ligne fut donc rompue, le bataillon entamé, et il en résulta une telle boucherie, que deux cent cinquante d’entre les vaincus survécurent seuls à cette fatale expédition, dont ils coururent porter la nouvelle à Port-Natal.

Une double victoire avait donc livré aux Zooloos tout le pays que les colons croyaient posséder en toute sécurité. Les sauvages continuèrent de ravager les établissemens à peine formés, et, comme cela devait arriver toujours, un corps de deux mille hommes, partis au secours de leurs frères, atteignit trop tard le camp qu’ils voulaient défendre. Des sauvages déserteurs, qui s’étaient associés à la fortune des Hollandais, durent aussi se cacher dans les prairies ; mais les Zooloos entreprirent contre eux une chasse en règle, les traquant de buissons en buissons, tuant à coups de javelines les femmes errantes et les enfans délaissés. Aucun blanc n’eût survécu à l’invasion des Kafres, si par bonheur le brick Comet ne se fût trouvé sur la côte