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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

d’un assassin, et que vous priez sans cesse le ciel de délivrer la terre d’un si odieux mécréant ! » Et cependant il ne leur fit éprouver aucune vexation dans leur retraite, bien que les femmes du sérail, appelées en témoignage par le roi, eussent répété les éloges que les missionnaires faisaient de sa majesté.

L’arrière-garde, la réserve des émigrans, établie à l’ouest des Drakenberg, ne tarda pas à projeter une incursion sur le territoire ennemi pour venger la mort des malheureux colons ; car les choses étaient ainsi disposées, qu’une série non interrompue d’attaques et de surprises mutuelles devait marquer cette guerre entre les Kafres et les blancs. Le 6 avril, un corps de quatre mille Boors à cheval, commandés par Piet Uys et Jacobas Potgeiter, se mit en campagne pour tenter un coup de main sur Unkunginglove, capitale des Zooloos. « Le premier, dit le narrateur, était un patriarche qui, durant l’année précédente, avait quitté la colonie pour des raisons particulières, lui et ses descendans jusqu’à la troisième génération. Beaucoup de ses fils et petits-fils avaient déjà misérablement péri, et c’était maintenant le tour de l’aïeul de joindre ses os à ceux des siens qui gisaient sans sépulture dans une région lointaine. »

C’est par l’ouest que la petite troupe entra sur les terres de Dingaan, et rien ne s’opposa à son passage ; seulement, sur les hauteurs, derrière la capitale du sauvage, était déployée sa puissante armée. Deux rocs, couverts chacun d’une division, se trouvaient liés entre eux par un défilé dans lequel un troisième corps se tenait en embuscade. L’ennemi se montrait supérieur en nombre, ses dispositions annonçaient un parti pris de se défendre avec courage ; toutefois, sans hésiter un instant, les émigrans chargèrent, divisés en deux détachemens. Dès le commencement de l’attaque, les chevaux que commandait Potgeiter, effrayés par les hurlemens et le bruit des javelots frappant sur les boucliers de cuir, furent mis en pleine déroute. Ce fut une confusion irréparable, et le vieux Uys reçut à lui seul tout le choc de cette multitude de sauvages exaspérés. Sa petite bande le soutint avec un courage héroïque ; profitant même du désordre causé dans les bandes ennemies par son feu bien nourri, le vieillard se jeta avec vingt des siens au plus épais de la mêlée pour sauver un ami renversé au fond d’un ravin par la chute de son cheval, mais un roc à pic l’arrêta, et il fut cerné par les Zooloos. Un de ses petits-fils, âgé de douze ans, combattit bravement et succomba le premier aux pieds de son aïeul ; lui-même, la cuisse traversée par une zagaie, épuisé par la perte de son sang, criblé de blessures, il porta jusqu’à