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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

attiré particulièrement l’attention sur cette partie du globe, si difficile à explorer, si peu connue encore, si étrangement peuplée de tribus et de familles presque toutes différentes entre elles. L’expédition du capitaine W. C. Harris, faite du sud au nord, du Cap au Tropique, nous a semblé être un de ces nombreux rayons qui, partant des extrémités de l’Afrique, se rapprochent plus ou moins du centre ; et, bien que la relation en ait été publiée à Bombay en 1838, peut-être, faute d’avoir été traduite, a-t-elle été moins connue qu’elle ne méritait de l’être.

Au point de vue trop modeste du capitaine Harris, cette excursion remarquable, qui de la colonie du Cap a été poussée jusqu’au tropique du Capricorne, ce périlleux voyage à travers de nombreuses peuplades errant dans des régions inexplorées, ou fixées sur le bord de fleuves dont aucune carte ne trace le cours entier ; ce voyage, complet dans son ensemble, n’est qu’une gigantesque partie de chasse ! Cette relation, il ne l’avait écrite que pour quelques-uns de ses frères d’armes de l’Inde, pour ceux avec qui il avait maintes fois couru les bois et battu la plaine. Il en eût fait volontiers des chapitres épars, bons à être racontés plutôt que lus au club des sportsmen ; mais quelques personnes, frappées des détails géographiques et ethnologiques qui fourmillent dans ces pages, décidèrent l’auteur à les publier.

Chasseur déterminé dès son enfance, comme il le prouve par de jolies anecdotes groupées en forme de préface, le capitaine Harris avait pour but principal, en débarquant au Cap, de faire une razzia dans la contrée des éléphans ; et comme ces animaux se trouvent sur le territoire du plus puissant monarque du désert, Moselekatse, roi des Matabilis, le voyageur se trouva forcé d’aller jusqu’à la cour de ce potentat demander une permission en règle. La route était longue, peu frayée ; de là les curieux incidens, les piquans épisodes, les aventures multipliées dont se compose ce livre. N’oublions pas non plus que le capitaine Harris, attaché au corps des ingénieurs de Bombay, se trouvait circonscrit dans les limites d’un congé de douze mois, et c’est ce temps, bien court pour un voyage, qu’il sut utiliser d’une façon si remarquable en recueillant de précieux matériaux utiles à plus d’une branche de la science. Les préliminaires ainsi posés, nous tâcherons de suivre l’intrépide chasseur pas à pas, de peur de nous égarer dans des solitudes où l’on ne rencontre ni routes tracées, ni habitations, où l’homme abâtardi et dégradé ne sait rien édifier, rien fonder.