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Cependant le protocole restait toujours ouvert, et on se demandait comment finirait ce débat. Le cabinet français obtiendrait-il quelque modification, et, moyennant cela, se déterminerait-il à ratifier, ou se séparerait-il définitivement des quatre puissances, et le traité serait-il conclu sans lui ? Ce qui se passait en Amérique devait avoir sur la politique du cabinet dans cette affaire une grande influence.

L’Angleterre, obérée dans ses finances, menacée dans sa tranquillité intérieure par la stagnation des fabriques et la misère du peuple, obligée de faire face, au dehors, à la guerre de la Chine et aux désastres de l’Inde, avait voulu s’assurer du moins la paix avec les États-Unis. Elle y avait envoyé, dans cette vue, un négociateur d’un haut rang, lord Ashburton, autrefois M. Baring, que ses vastes relations commerciales en Amérique et le mariage qu’il y avait contracté rendaient plus propre qu’aucun autre à régler les différends entre les deux pays. Le droit de visite, ou du moins le droit de vérifier la nationalité du pavillon américain, devait être un des objets de la négociation. La France était impatiente de savoir ce que feraient les États-Unis : accorderaient-ils, sous une forme quelconque, le droit de visite ? L’opinion du pays se rallierait alors plus aisément à une concession semblable. Persisteraient-ils, au contraire, dans leur refus ? Il deviendrait plus difficile que jamais de ratifier le traité.

On apprit bientôt que lord Ashburton n’avait rien obtenu, et que l’Angleterre avait reculé. Le traité conclu le 9 août n’accordait ni le droit de visite réciproque ni celui de vérifier le pavillon. Il statuait simplement que les deux gouvernemens entretiendraient des croisières pour surveiller chacun, séparément et à part, les bâtimens de la nation et les empêcher de se livrer à la traite. C’était précisément le système qui avait prévalu dans la discussion des chambres françaises, et dont le vœu avait été exprimé par leur amendement. Le traité des États-Unis donnait à ce vœu encore plus de force, et toute pensée de ratifier le traité sans de profondes modifications devait être abandonnée. Quelles modifications avaient été demandées ? c’est ce qu’on ignore, mais tout annonce qu’elles reçurent un mauvais accueil.

Quoi qu’il en soit, le cabinet français jugea que le moment était venu de demander lui-même la clôture du protocole. Le laisser plus long-temps ouvert n’avait pour lui que des inconvéniens. La nouvelle session approchait, et il ne fallait pas qu’on pût le soupçonner de vouloir ratifier. Ce soupçon lui attirerait de nouveaux orages. Il demanda donc et obtint sans difficulté que le protocole, resté ouvert