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ricains auraient voulu que l’Angleterre renonçât à la visite de leurs bâtimens, à la saisie des marchandises et des matelots que protégeait leur pavillon, et aux blocus fictifs, contraires au droit des gens. Les Anglais répondirent qu’ils ne prétendaient nullement visiter les bâtimens en temps de paix, que ce n’était pour eux qu’un droit de guerre, mais qu’il était alors indispensable à leur défense, et qu’ils ne s’en relâcheraient point non plus que des actes qui en étaient la conséquence. La paix avec la France avait mis fin, dirent-ils, à l’exercice de ces droits. Voudrait-on continuer de se battre pour de pures abstractions ? Les commissaires américains eurent beau insister ; ils ne purent obtenir aucune concession, et, placés dans l’alternative ou de continuer une guerre contre laquelle une vive opposition commençait à se manifester aux États-Unis, ou d’accepter une paix qui ne compromettait pas leurs droits et laissait subsister, en cas de nouvelles violations, leurs protestations et leurs réserves, ils jugèrent ce dernier parti préférable, et signèrent la paix au moment même où les Anglais et les Américains, en présence devant la Nouvelle-Orléans, allaient se livrer un combat sanglant que la connaissance de ce traité eût prévenu[1].

Le traité de Gand stipula seulement la restitution des prisonniers et celle des territoires réciproquement conquis ; les États-Unis adhérèrent à l’abolition de la traite des noirs. Ainsi finit cette guerre, laissant entières les questions qui l’avaient amenée, et sans que ni l’une ni l’autre des parties belligérantes abandonnât rien des prétentions qui leur avaient mis les armes à la main.

Cependant, si les États-Unis ne purent faire reconnaître leurs droits par les traités, et obtenir qu’on promît de les respecter à l’avenir, ils leur firent donner une autre sorte de consécration, en obtenant une indemnité pour la violation de ces droits dans le passé. Déjà, dans le prix par eux payé à la France, en 1803, pour la cession de la Louisiane, ils avaient retenu le montant de l’indemnité qu’ils réclamaient pour les confiscations exercées contre eux avant cette époque ; ils poursuivirent et obtinrent de même, après 1814, des réparations pécuniaires de la part de toutes les puissances belligérantes qui avaient illégalement saisi leurs bâtimens.

Il semblait qu’il ne dût plus être question du droit de visite jusqu’au renouvellement d’une guerre maritime. Toutes les nations étaient en paix. Nulle part le canon ne retentissait sur l’Océan. Les

  1. Traité de Gand du 24 décembre 1814.