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DU DROIT DE VISITE.

jugea que le moment était venu de se décider, et de faire respecter les droits des États-Unis par les armes. Il convoqua extraordinairement le congrès, lui rendit compte de ce qui s’était passé, et demanda les moyens de soutenir l’honneur national[1].

Le congrès délibéra à huis-clos ; jamais plus grave question ne l’avait occupé ; on entendit les partisans de la paix et ceux de la guerre. « Qu’attendons-nous, dirent ceux-ci, pour prendre les armes ? L’Angleterre n’a-t-elle pas poussé assez loin l’insulte envers nous ? N’a-t-elle pas assez fait pour notre ruine ? Faut-il rappeler les confiscations et les avanies essuyées par notre commerce, les visites faites jusque sur nos bâtimens de guerre, nos citoyens enlevés en vue de nos côtes, invoquant en vain le pavillon qui devait les protéger, nos marins attaqués en pleine paix et victimes de cette agression imprévue ? Souffrirons-nous plus long-temps ces blocus qui nous ferment des continens entiers, et cette prétention de nous contraindre à toucher en Angleterre, comme au temps où nous vivions sous le joug d’un honteux vasselage ? L’Angleterre se justifie par les mesures de la France ; mais est-ce la France qui a pris l’initiative de celles dirigées contre les droits des neutres ? n’en souffre-t-elle pas au contraire, et ne joint-elle pas ses protestations aux nôtres ? Ses décrets n’étaient que des représailles, et cependant elle les a révoqués. On veut que nous la forcions de recevoir les marchandises anglaises : cela est-il en notre pouvoir ? L’Angleterre, par une pareille prétention, montre bien qu’elle n’a qu’une chose en vue, c’est de nous interdire le commerce pour le faire seule. En vain espérerions-nous en obtenir quelque chose par les négociations : n’a-t-elle pas déclaré mille fois qu’elle ne renoncera jamais aux droits odieux dont nous nous plaignons ? » Les partisans de la paix ne contestèrent point des griefs qu’ils partageaient. Eux aussi pensèrent que les États-Unis ne pouvaient pas accepter la législation draconienne de l’Angleterre au sujet des neutres, mais ils furent d’avis de temporiser encore. « On n’était pas en mesure, dirent-ils, de soutenir la guerre avec quelque chance de succès. Avait-on achevé de mettre les côtes en état de défense ? Où étaient les vaisseaux qui devaient les protéger contre les insultes de la marine anglaise, que la guerre d’Europe laissait presque entièrement disponible ? Les griefs des États-Unis provenaient uniquement de la lutte engagée entre la France et l’Angleterre. Cette lutte venant à

  1. 1er  juin 1812.