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publia une autre, trois mois après, qui déclarait le commerce avec l’Angleterre de nouveau interdit[1].

Ces deux proclamations et les circonstances qui les avaient accompagnées excitèrent, de la part du gouvernement anglais, des plaintes amères ; il prétendit que le décret annoncé par la note du ministre des affaires étrangères de France n’avait jamais existé, donnant pour preuve qu’on ne l’avait point publié, et cependant, dit-il, cette publication était nécessaire, dans le système du bill américain, pour mettre l’Angleterre en demeure. Il accusa le gouvernement des États-Unis d’avoir été dupe ou complice d’une ruse du gouvernement français. Le fait est que quand le président, pour se justifier, fit demander à Paris une expédition du décret qui aurait dû accompagner la note du 5 août 1810, on ne put en produire qu’un du 28 avril 1811[2], postérieur à la proclamation du président du 2 novembre, qui avait rétabli le commerce avec la France. Ce décret, prenant acte de la proclamation, déclarait les décrets de Berlin et de Milan révoqués à l’égard des États-Unis, à dater du 1er  novembre précédent.

Quoi qu’il en soit, les rapports rétablis avec la France demeurèrent rompus avec l’Angleterre. Celle-ci redoubla de rigueur dans la visite et la saisie des bâtimens américains ; plus de neuf cents furent confisqués. L’irritation, de part et d’autre, fut telle qu’il ne fallait plus qu’un incident pour allumer la guerre ; cet incident se présenta. Le sloop de guerre anglais le Petit Belt, de 18 canons, ayant été rencontré par la frégate des États-Unis la Présidente, celle-ci le héla, suivant l’usage, pour qu’il se fît connaître. Le sloop, pour toute réponse, lui envoya un boulet qui abattit son grand mat. Un combat s’engagea dans lequel les Anglais perdirent trente-deux hommes. D’un autre côté, on acquit la preuve que le gouvernement anglais, s’attendant à la guerre, pratiquait des machinations dans les états voisins du Canada, pour en faciliter l’invasion. Le président Madison

  1. 2 mars 1811.
  2. Décret du 28 avril 1811 :

    « Napoléon, empereur des Français, etc. — Sur le rapport de notre ministre des affaires étrangères, portant que, par acte du 2 mars 1811, le congrès des États-Unis a interdit l’entrée de ses ports au commerce anglais, résistant ainsi, autant qu’il était en lui, à la domination exclusive de l’Angleterre sur les mers et à la violation du droit des neutres, nous avons décrété :

    « Les décrets de Berlin et de Milan sont révoqués, en ce qui concerne les États-Unis, à dater du 1er  novembre dernier. »