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qui devaient être produites par les bâtimens des États-Unis pour justifier qu’on ne les avait point visités. Il renouvela toutefois la consécration du grand principe que le pavillon couvre la marchandise, laissant au temps à lui faire porter ses fruits.

Un court intervalle de paix suivit entre la France et l’Angleterre, pendant lequel le commerce américain respira et ne fut plus en butte au droit de visite ; mais l’Angleterre, dans le traité d’Amiens, n’avait voulu rien garantir pour le jour où les hostilités recommenceraient. Elles recommencèrent quatorze mois après, et, avec elles, toutes les violences de la marine anglaise ; celle-ci saisit, sur les bâtimens des États-Unis, jusqu’aux passagers français. Napoléon, par représailles, retint prisonniers en France les voyageurs anglais que la paix d’Amiens y avait attirés, et qui avaient cru pouvoir y demeurer en sûreté.

Alors commença entre l’Angleterre et Napoléon un duel formidable, dans lequel les deux combattans, pour s’atteindre, foulèrent également aux pieds les droits des neutres, c’est-à-dire ceux du commerce américain. Napoléon, partout où il portait ses armes, fermait les ports au commerce anglais. Il espérait par là détruire les finances de son ennemi, réduire les nombreux ouvriers de ses fabriques au désespoir, et le contraindre à demander la paix. L’Angleterre ne voulut pas souffrir que, pendant qu’on la privait de son commerce, celui de la France et de ses alliés pût continuer à la faveur du pavillon américain. Un ordre du conseil de l’amirauté anglaise déclara en état de blocus tous les ports de la France et des pays occupés par ses troupes, défendant aux neutres d’en approcher, sous peine d’être saisis et confisqués[1] ; c’était l’acte le plus exorbitant qui eût jamais été fait contre les neutres. Il était de principe, dans le droit public européen, qu’un port ne pouvait être déclaré en état de blocus qu’autant qu’il y avait, à son entrée, une force suffisante pour défendre aux neutres d’en approcher, une force telle qu’ils ne pussent passer sans danger. Ainsi l’avait établi ou plutôt rappelé la déclaration de Catherine de 1780. Prétendre bloquer par une déclaration des pays entiers, c’était étendre sans mesure les droits de la guerre, non-seulement par rapport aux contrées qu’on frappait de cet interdit, mais relativement aux neutres qu’on empêchait de commercer avec elles. Napoléon, forcé de suivre l’Angleterre sur ce terrain, répondit par son décret de Berlin, qui déclara les îles britanniques

  1. 6 mai 1806.