Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
REVUE DES DEUX MONDES.

comté de Durham, ils les tirent par des courroies. Dans les galeries les plus basses, le putter, assimilé à une bête de somme, attelé au chariot par une chaîne qui passe entre ses jambes et se lie à une ceinture de cuir qui entoure son corps, traîne son fardeau en rampant sur ses mains et sur ses pieds. Ce mode de traction, en usage dans les houillères du Staffordshire, du West-Riding du Yorkshire, et surtout dans le Shropshire, arrachait à un vieux mineur, interrogé à ce sujet par un commissaire de l’enquête, cette énergique exclamation « Monsieur, je ne puis que répéter ce que disent les mères : c’est une barbarie ! »

Le peu d’épaisseur des couches de houille, et le peu d’élévation des galeries qui en est la suite, sont les causes de cet emploi abusif des enfans. La roche qui enveloppe la houille étant le plus souvent très dure, on ne donne aux galeries d’extraction que la hauteur de la couche, car la dépense que nécessiterait l’exhaussement ne serait pas proportionnée au produit de l’exploitation. « Il a été constaté, dit le rapport de la commission d’enquête, que dans plusieurs mines les galeries ont de 24 à 30 pouces (environ 60 à 75 centimètres) de hauteur, et même, dans certaines parties, elles n’ont pas plus de 18 pouces (45 centimètres). » Dans le Derbyshire, où la plupart des couches n’ont que 2 pieds d’épaisseur (environ 60 centimètres), les enfans ont été employés à tous les travaux de l’exploitation de la houille. Les plus âgés extraient le charbon étendus sur le dos ou couchés sur le côté[1]. Dans le district d’Halifax, il en est de même, les couches n’ayant, dans un grand nombre de mines, que de 14 à 30 pouces d’épaisseur (de 35 à 75 cent.)[2]. Dans l’est de l’Écosse, les enfans commencent à extraire le charbon à 12 ans. Dans le sud de la principauté de Galles, on les emploie quelquefois à ce travail dès l’âge de 7 ans. Dans les puits du Yorkshire, où les galeries n’ont que 28 pouces de hauteur (70 cent.) et quelquefois seulement 22 (55 cent.), les enfans traînent en rampant le charbon dans des corbeilles[3]. Dans ce même district, l’aérage est très imparfait, et l’épuisement des eaux y est tellement négligé, que les enfans travaillent tout le jour les pieds dans l’eau ou dans la boue. Les houillères du Lancashire sont peut-être plus malsaines encore que celles du Yorkshire, et c’est dans les puits les plus nuisibles à la santé, c’est aux travaux les plus pénibles que l’on occupe les enfans de l’âge le plus tendre, et de préférence les jeunes filles.

La plupart des enfans des deux sexes employés dans les houillères appartiennent aux familles même des ouvriers mineurs, ou aux familles pauvres établies dans le voisinage des mines. Le fruit de leur travail augmente le bien-être de leurs parens, et par conséquent n’est pas toujours perdu pour eux. Mais il y a des districts où un certain nombre de ces malheureuses créatures passent toute leur jeunesse dans le plus dur esclavage, sans retirer

  1. M. Fellow’s Report, app. II, p. 254.
  2. M. Scriven’s Report, app. II, p. 63.
  3. Symon’s Report, § 98, app. I, p. 179. — Inquiry, no 73, p. 241.