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gens et quelquefois des enfans : ils descendent dans la mine à quatre heures du matin. Leur occupation consiste à enlever toutes les deux heures dans de petits chariots le charbon extrait par les mineurs, et à le traîner jusqu’aux grandes galeries : ces chariots chargés représentent un poids d’environ huit quintaux. Le putter pousse son chariot par derrière, dans une posture très allongée, afin de gagner plus de force, et surtout pour ne pas se briser le crâne contre le toit de la galerie, qui a très rarement plus de trois à quatre pieds de hauteur. Le putter ne quitte la mine que deux heures après le hewer ; son salaire varie de 15 à 20 sh. (de 18 à 25 fr.) par semaine.

Le charbon amené par le putter aux grandes galeries y est chargé sur des wagons traînés par des chevaux, des poneys ou des ânes, et conduits par des enfans de douze à quinze ans, que l’on nomme drivers, au puits principal, d’où il est amené au jour par des machines à vapeur ou des manéges de chevaux, ou même par des roues mises en mouvement en certains endroits par des femmes[1]. À la fin de sa journée de travail, qui est de douze heures, le driver (conducteur) a fait ordinairement dans les galeries huit à neuf lieues de chemin.

La dernière classe des travailleurs et la plus intéressante sans doute est celle des plus jeunes enfans, de la vigilance desquels dépend la sûreté de la mine, car le soin de fermer les portes (traps) des galeries, sur lesquelles repose l’aérage, leur est confié[2]. Le petit trapper est éveillé par sa mère à deux

  1. Scriven’s Report, § 26, app., part. II, p. 61.
  2. Le but de l’aérage des mines est de prévenir le danger le plus terrible auquel on y soit exposé, la formation des gaz, tels que le gaz acide carbonique et l’hydrogène carboné, dont l’embrasement, malgré l’usage de la lampe de Davy, cause souvent de grands malheurs. Pour atteindre ce but, il suffit de faire parcourir la mine par des courans d’air extérieur qui chasse et dissipe les vapeurs délétères. Le principe de l’aérage est fort simple et d’une application toujours facile, quoique malheureusement trop négligée : il repose sur la dilatation dont l’air échauffé est susceptible, et qui, le rendant plus léger, le porte à s’élever naturellement, en vertu de son élasticité, au-dessus de l’air pur qui le presse en plus grande quantité, il suffit donc, pour aérer l’intérieur d’une mine, que toutes les galeries, même les plus sinueuses, soient mises en communication avec l’atmosphère par deux puits situés aux deux extrémités des travaux, et s’ouvrant sur la surface de la terre à des niveaux différens, l’un, par exemple dans une vallée, et l’autre sur une hauteur. L’air extérieur descend par le puits inférieur, et chasse naturellement l’air plus chaud, qui s’échappe par le puits le plus élevé. Dans les lieux où l’uniformité de la surface du sol ne permet pas d’avoir des puits à niveaux différens, il suffit de surmonter l’un des deux d’une cheminée. Tel est le mode d’aérage le plus naturel et le plus généralement suivi, bien préférable d’ailleurs à tous les moyens artificiels, tels que les pompes foulantes ou aspirantes, les brasiers au fond des puits, etc. Mais les puits sont toujours coupés par des galeries qui suivent les capricieux détours des couches de charbon et de minerai ; l’art même demande que, pour les houilles, les travaux soient conduits par tailles échelonnées et toujours très sinueuses. Il faut donc forcer le courant d’air à circuler dans tout le réseau, à pénétrer dans les gale-