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TRAVAIL DES ENFANS DANS LES MINES.

tion de toucher à la loi existante. Tous ceux, en effet, qui ne voient pas seulement dans les lois des manufactures une tactique de parti destinée à faire diversion à l’assaut que le parti contraire livre aux lois des céréales, apprécient à sa juste valeur le véritable caractère de cette législation : ils ne peuvent la considérer comme rigidement applicable dans ses minutieuses prévisions ; c’est moins par les détails que par l’ensemble et l’esprit qui l’inspire qu’elle leur paraît avantageuse. L’emploi des enfans dans les manufactures avait entraîné de grands abus, des abus homicides, moins fréquens, il faut le dire, qu’on n’était parvenu à le persuader à une philantropie trop crédule, mais assez graves cependant pour réclamer une législation, une surveillance, qui en prévinssent à jamais le retour. C’est ce que l’on peut atteindre, ce que l’on a même atteint en grande partie par la loi actuelle ; empiéter plus encore qu’on ne l’a déjà fait sur la liberté de l’industrie, sur la liberté de l’individu, sur l’autorité du père, sur les nécessités de la famille, ce ne serait plus qu’obéir aveuglément à l’esprit de système, ou sacrifier aux calculs d’une caste les intérêts même que l’on feindrait de vouloir protéger. L’humanité raisonnable et sincère défend d’aller plus loin. Il est certain que la condition des enfans dans les manufactures est beaucoup plus heureuse que dans toutes les autres positions où l’indigence peut les placer. Le travail de la manufacture, surtout lorsqu’il est aidé par un moteur automatique, est moins pénible pour eux que celui des mines, de la marine, des forges et d’un grand nombre de petites industries. Il est prouvé, par les rapports des inspecteurs anglais, qu’il n’est pas plus préjudiciable que les autres travaux à la santé et à la longévité[1]. Enfin, peut-on croire qu’écartés des grandes manufactures, les enfans pauvres trouveraient ailleurs des conditions d’existence plus avantageuses à leurs intérêts physiques et moraux ? L’expérience a prouvé jusqu’à ce jour le contraire. On sait qu’un grand nombre d’enfans, éloignés des factories par les prescriptions de la loi, ont été jetés dans des industries et condamnés à des travaux bien plus oppressifs, bien plus dangereux, que ceux auxquels la philantropie avait voulu les soustraire. Les enquêtes dirigées par lord Ashley sur la condition des travailleurs dans les mines, et dont les résultats, consignés dans trois énormes volumes in-folio, ont été mis sous les yeux du parlement dans la dernière session, contiennent à cet égard des révélations effrayantes dont l’Angleterre tout entière s’est justement émue, et qui ne peuvent manquer d’exciter un douloureux intérêt partout où la publicité leur donnera le retentissement qu’elles méritent[2].

  1. Factory labour is decidedly not injurious to health or longevity, compared with other employements, telles sont les paroles expresses de M. Rickards, un des premiers inspecteurs des manufactures, et qui n’a jamais été suspecté de partialité à l’égard de l’industrie.
  2. La commission qui a travaillé à cette enquête durant dix-huit mois se composait de quatre commissaires et de vingt sous-commissaires nommés par le ministre de l’intérieur.