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LES BRUGRAVES.

Comme de nos habits de guerre et de campagne ;
Ils étaient en acier .........
................
Le brave mort dormait dans sa tombe humble et pure,
Couché dans son serment comme dans son armure ;
Et le temps qui des morts ronge le vêtement
Parfois rongeait l’armure et jamais le serment.

Et comme les propos indécens recommencent :

Jeunes gens ! vous faites bien du bruit :
Laissez les vieux rêver dans l’ombre et dans la nuit.
La lueur des festins blesse leurs yeux sévères :
Les vieux choquaient l’épée ; enfans, choquez les verres ;
Mais loin de nous.

Cependant, voici qu’un pauvre homme demande asile au manoir. Hatto, l’héritier des burgraves, ordonne qu’on le chasse. À ce mot, Magnus, qui était retombé dans sa rêverie, se réveille en sursaut et éclate.

..... En quel temps vivons-nous, Dieu puissant ?
Et qu’est-ce donc que ceux qui vivent à présent ?
On chasse à coups de pierre un vieillard qui supplie ! —
De mon temps — nous avions aussi notre folie,
Nos festins, nos chansons, — on était jeune enfin, —
Mais qu’un vieillard vaincu par l’âge et par la faim,
Au milieu d’un banquet, au milieu d’une orgie,
Vînt à passer tremblant, la main de froid rougie,
Soudain on remplissait, cessant tout propos vain,
Un casque de monnaie, un verre de bon vin ;
C’était pour le passant, que Dieu peut-être envoie.
Après nous reprenions nos chants, car plein de joie,
Un peu de vin au cœur, un peu d’or dans la main,
Le vieillard souriant poursuivait son chemin.
Sur ce que nous faisions, jugez ce que vous faites !

Alors Job, le centenaire, qui n’a pas encore fait un mouvement ni prononcé une seule parole, se redresse, fait un pas et touche l’épaule de Magnus :

Jeune homme, taisez-vous. — De mon temps, dans nos fêtes,
Quand nous buvions, chantant plus haut que vous encor,
Autour d’un bœuf entier posé sur un plat d’or,
S’il arrivait qu’un vieux passât devant la porte,