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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

leurs habitudes l’usage du sucre, du café, du vin et du tabac, le produit des contributions indirectes prendra une rapide et immense extension. Dès aujourd’hui, l’on reconnaîtra qu’au rebours de l’impôt anglais il doit croître et ne peut guère plus décroître.

Pour compléter ce rapprochement, il faut dire que, malgré un revenu décroissant, le gouvernement anglais a su faire face aux difficultés de sa position et augmenter son influence en Europe ; tandis que le gouvernement français, avec un revenu croissant, avec un système admirable d’impôt, secondé comme il l’était par toutes les forces du pays, s’est laissé humilier et amoindrir, et nous a fait perdre en influence, depuis dix ans, autant que les traités de Vienne nous avaient enlevé en territoire après une double invasion.

En 1828, le revenu de l’Angleterre était encore de 58 millions de livres sterl. ; en 1841, il était tombé à 52 millions. Dans l’intervalle, le gouvernement avait diminué ou supprimé les taxes jusqu’à concurrence de 7 millions de livres sterl., et les avait augmentées jusqu’à concurrence de 2 millions. Mais les dépenses avaient subi des réductions équivalentes, qui avaient précédé la diminution du revenu.

En 1828, le revenu ordinaire de la France ne s’élevait pas à 900 millions ; il dépasse aujourd’hui 1,250 millions. C’est ce bienfait de la Providence que nous avons gaspillé !

Ainsi voilà deux empires, dont l’un se maintient et grandit par la seule vigueur de son gouvernement, pendant que la prospérité intérieure, que les ressources nationales diminuent ; dont l’autre s’abaisse et descend par l’incurable faiblesse de ceux qui le mènent, en dépit des forces merveilleuses que la nation a déployées. Toute la situation est dans ce contraste. Il prouve qu’un peuple a beau s’évertuer à vouloir et à produire, s’il n’a pas un gouvernement qui mette ces trésors de courage et de richesse en valeur.


Léon Faucher.