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tant perpétuelle que viagère, est d’ailleurs très supérieure aux ressources annuelles dont l’Angleterre peut disposer. Sur un revenu de 1,300 millions, la dette fondée, la dette flottante, la liste civile et les pensions en absorbent près de 800 millions dans la Grande-Bretagne ; il ne reste donc que 500 millions environ à consacrer aux dépenses de perception et d’administration, à la marine et à l’armée. En France, au contraire, la dette publique, les dotations et les pensions, ne réclament pas au-delà de 380 millions par année. Il reste donc près de 900 millions dont on peut disposer pour les services administratifs ainsi que pour entretenir les forces de terre et de mer. Le développement possible de notre puissance est donc à celui de la puissance anglaise comme 9 est à 5, et il ne tiendrait qu’à notre gouvernement d’occuper dans les conseils de l’Europe la place qui nous appartient.

Ajoutons que le revenu de la France est celui qui présente la plus ferme assiette, ayant une partie fixe, les contributions directes[1], que l’on peut augmenter en cas de guerre, et une partie mobile, les contributions indirectes, dont le produit s’accroît chaque année en temps de paix[2]. Les puissances continentales tirent principalement leur revenu de l’impôt foncier, et voilà pourquoi la paix ne les enrichit pas ; l’Angleterre fait reposer le sien presque uniquement sur les taxes de consommation, dont le produit diminue à la moindre commotion qui se fait sentir, soit dans le monde politique, soit dans le monde commercial, et voilà pourquoi la guerre lui est principalement redoutable. Le système financier de la France est le seul qui offre une élasticité égale pour la guerre comme pour la paix.

À l’avantage d’asseoir notre revenu sur la double base de l’impôt direct et de l’impôt indirect, nous joignons celui de n’avoir pas épuisé, comme l’Angleterre, tous les moyens d’exciter la consommation. De l’autre côté du détroit, dans les jours de prospérité, le peuple consomme à peu près tout ce qu’il peut consommer, et le tribut qu’il paie au fisc sous cette forme peut décroître, mais ne peut plus s’augmenter. Chez nous la consommation est bornée aux villes, qui sont loin d’ailleurs de renfermer, comme en Angleterre, les deux tiers de la population. Les campagnes ne paient guère d’autre taxe de ce genre que la taxe du sel. Quand nos paysans feront entrer dans

  1. Le produit des contributions directes est porté au budget de 1844 pour 409 millions.
  2. Le produit des contributions indirectes est porté au même budget pour 755 millions.