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cet établissement est chargé du service des caisses d’épargne, et qu’il dispose à ce titre d’un capital incessamment remboursable de 300 millions, ses relations avec le trésor ont cessé de présenter à l’un et à l’autre le même degré de sécurité.

Au 30 novembre 1842, la caisse des dépôts et consignations avait reçu plus de 400 millions, dont 286 provenaient des versemens faits dans les caisses d’épargne. Sur cette somme, 250 millions étaient placés en rentes ou en actions des canaux ; 68 étaient représentés par des prêts à terme faits au trésor, aux départemens ou à des établissemens publics ; 100 millions étaient déposés au trésor, en compte courant. À la fin de janvier 1843, les fonds des caisses d’épargne s’élevaient à 306 millions, dont 200 millions placés en rentes, et 106 millions remis au trésor, en compte courant. Or, cet emploi, que la caisse des dépôts fait des capitaux de l’épargne, elle le fait à ses risques et périls. Aux termes du contrat, les déposans peuvent retirer leurs fonds dans les huit jours, et la caisse des dépôts est tenue de les restituer. L’opération consiste donc en ceci que des capitaux incessamment exigibles sont colloqués dans des placemens à terme ou à perpétuité ; ce rapprochement suffit pour en indiquer le péril. Dans un moment de panique, il peut arriver que les déposans se présentent en foule pour redemander leurs fonds, et que la caisse alors se trouve dans l’alternative de vendre des rentes à un taux souvent inférieur au prix d’achat, ou de retirer du trésor les capitaux déposés en compte courant, peut-être même de recourir à la fois à ce double expédient, et de provoquer ainsi de graves embarras. Or, il ne faut pas l’oublier, la caisse des consignations engage la responsabilité du trésor ; elle n’est que le trésor sous une autre forme, et ses embarras doivent en définitive retomber sur l’état. C’est principalement pour obvier à ce danger que le trésor laisse dormir dans les caves de la Banque une réserve qui, depuis cinq ans, n’a jamais été au-dessous de 87 millions, et qui s’est élevée jusqu’à 193 millions. Ces fonds ne produisent pas d’intérêt, et il arrive ainsi que le trésor paie aux déposans des caisses d’épargne un intérêt de 4 pour 100 pour des capitaux dont il ne fait aucun emploi.

L’influence qu’un tel état de choses exerce sur le régime de la Banque de France n’est pas moins fâcheuse : elle tend à modifier profondément, sinon à dénaturer la constitution de ce grand établissement. Les banques de circulation et de dépôt sont instituées pour prêter aux gouvernemens, et non pour leur emprunter. Le gouvernement ne doit pas commanditer les banques, car il deviendrait ainsi