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LA BELGIQUE.

en Angleterre, avaient été entrepris par les capitalistes ; enfin, le trésor était pauvre, et l’avenir financier du pays chargé d’une dette que la diplomatie menaçait de grossir encore. Tous ces obstacles ne rebutèrent point le ministère ; il eut le courage de les aborder de front ; le succès couronna son audace. Il fit décréter le principe de l’exécution d’un projet national par la nation, ne craignit pas de demander à l’emprunt son concours pour une dépense productive, rassura l’Allemagne, et s’en remit au temps du soin de détruire des préventions plus rebelles. La discussion parlementaire étendit considérablement le projet primitif, ainsi que nous l’avons dit déjà. Des amendemens qu’il fallut admettre dotèrent chaque ville importante, chaque province jalouse, d’un prolongement de l’artère principale, et la trame du chemin de fer s’ourdit séance par séance. Maintenant, le réseau fixé par la loi du 1er  mars 1834 est presque entièrement achevé ; il ne présente de lacune qu’entre Liége et Aix-la-Chapelle, où les difficultés du sol au point culminant de la ligne retardent encore la jonction du Rhin et de l’Escaut. Déjà ce vaste travail a produit de beaux résultats au dehors aussi bien qu’au dedans du pays. Avoir exécuté les premiers sur le continent des voies coûteuses de communication réservées jusqu’alors à la riche Angleterre, et n’avoir point désespéré, dans cette longue entreprise, de la fortune d’un état ébranlé encore par le contre-coup de son orageuse origine, voilà ce qui inspire un grand orgueil aux Belges. Peuple nouveau, ils s’admirent complaisamment dans une œuvre nouvelle. Sous ce rapport, ils ont des traits de ressemblance avec les Anglo-Américains, si remarquables par leur bruyante satisfaction d’eux-mêmes. Mais chez le peuple belge, cet excès d’amour-propre est bien excusable. Plus on le dit faible à côté de ses formidables voisins, plus il sent que cette démonstration toute pacifique de ses ressources et de sa confiance en lui-même l’a placé haut dans l’estime de l’étranger ; il sait qu’il ne pouvait, dans un siècle industriel avant tout, faire plus à propos acte de vie et de nationalité. Il a vu l’Allemagne revenir à lui, la France applaudir aux résultats positifs de sa persévérance, et il est fier de leurs suffrages. Tout à l’heure nous dirons si la pensée primitive du gouvernement belge paraît destinée à se réaliser, si Anvers deviendra en effet le second port de l’Allemagne dans la mer du Nord. Nous voulons dès à présent signaler l’avantage immédiat que la Belgique a recueilli de la construction de ses chemins de fer. C’est chez elle surtout que ces routes si rapides ont réellement supprimé l’espace. Comme dans les parties les plus peuplées du pays les villes