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premiers Romanov sur les bords de la Moskva. La maison des Petrovitj n’a qu’un étage, et ressemblerait complètement à celles des autres habitans si elle n’était un peu plus grande. Un autre konak avait été construit dans les mêmes proportions ; cet édifice, dont il ne reste plus que l’emplacement, était habité encore, il y a quelques années, par la famille du gouverneur civil, qui disputa pendant plus d’un siècle le pouvoir temporel au vladika. Dépouillée de tous ses biens, cette famille est maintenant sans feu ni lieu.

Les gros villages de Tchevo, Tsousi, Velestovo, illustrés par les chants populaires, sont assis dans des vallées rebelles à toute culture. Le petit bassin de Stanievitj, qui entoure le couvent de Saint-Michel-Archange, ci-devant résidence du vladika, et où se recueillent des fruits et du vin exquis, est la seule partie fertile de la Katounska-Nahia. La nahia voisine, celle de Tsernitsa, qui, longeant le lac de Skadar, descend vers Boudva et Antivari, est au contraire la plus riche partie du Tsernogore. Dans quelques vallées, la culture est arrivée à un degré de perfectionnement qui serait remarqué même en France ; des jardins délicieux s’élèvent en terrasse sur les montagnes, et des vignobles alternent avec les plants d’oliviers, de figuiers, de grenadiers. Ces bosquets ne sont entretenus que par des hommes armés jusqu’aux dents. La Tsernitsa-Nahia renferme sept tribus : les Podgores, les Glouhides, les Bertchels, les Bolievitj, les Limliani, les Sotonitj et les Doupili. — La nahia de Gloubotine ou Rietchka-Nahia, partie centrale du Tsernogore, compte cinq tribus : les Loubotines, les Kozieri, les Tseklines, les Dobarski, les Gradjani. Cette nahia n’a d’autre richesse que sa rivière, le Tsernoïevitj, où abondent les truites et autres poissons qui, séchés et fumés, sont expédiés vers la Dalmatie et l’Italie. On y pêche aussi périodiquement un poisson nommé en serbe ouklieva, en italien scoranza, qui est de l’espèce du mulet et de la grosseur d’une sardine. Aux approches de l’hiver, les ouklievas descendent vers le lac de Skadar en masses si compactes, que la surface de l’eau se teint sur leur passage d’une couleur particulière. Ces poissons habitent surtout les endroits du lac appelés okos, tourbillons circulaires formés par des sources qui jaillissent du fond du lac, et dont la température, plus chaude que celle des eaux supérieures, attire les ouklievas : on les y trouve parfois en telle quantité, qu’une rame enfoncée au milieu d’un de ces bancs de poissons reste debout. Les plèmes des bords du lac ont la propriété presque exclusive de ces okos, où en automne il leur suffit de jeter le filet pour le retirer aussitôt tout rempli d’ouklievas. Les plus petits sont