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caractériser. En effet, quand M. Haydon se propose de mettre en scène un personnage, il ne se contente pas d’étudier sa vie publique et sa vie privée ; il s’applique à le juger, il veut l’aimer ou le haïr, et l’on reconnaît toujours, à la manière dont le personnage est individualisé et à l’énergie de l’expression que le peintre lui a donnée, qu’il ne lui était pas indifférent. L’intérêt y gagne peut-être, mais la vérité historique n’y trouve pas toujours son compte. Cette critique est surtout applicable au dernier tableau de M. Haydon : Marie, reine d’Écosse. Cet admirable souvenir de l’école vénitienne comme coloris, intéressant au plus haut degré comme drame, pèche surtout par ce manque d’impartialité historique, défaut commun à toutes les productions de M. Haydon. Ajoutons maintenant qu’il est déplorable que des hommes aussi distingués par leur talent que MM. Eastlake et Haydon se laissent si facilement aller à l’imitation.

Il n’a manqué à M. William Hilton pour se placer à côté de MM. Haydon et Eastlake, et peut-être pour leur être supérieur, qu’un peu plus de confiance en lui-même et un goût moins prononcé pour des sujets quelquefois repoussans. M. Hilton a peint une Edith au col de cigne (Edith swan necked), comme M. Horace Vernet, mais il n’a cherché que le côté terrible et presque dégoûtant du sujet. Il a composé un Massacre des Innocens, où, songeant plutôt à effrayer qu’à toucher, il s’est encore montré le peintre ingénieux de l’horrible. M. Hilton est du très petit nombre des peintres anglais qui se sont sérieusement occupés du dessin et qui recherchent la précision. Ayant eu souvent l’occasion de peindre des sujets religieux pour des églises catholiques, il a dû étudier les maîtres italiens, et l’on s’en aperçoit.

L’Angleterre est peut-être le pays de l’Europe où le goût, je dirai même la passion pour les animaux, a été poussé le plus loin. Que de gens préfèrent leur terrier ou leur lap dog à leur ami ! que d’autres sont plus attachés à un beau cheval qu’à leur maîtresse ! Partout on a perfectionné les races ; les écuries sont des palais, les basses-cours des objets de luxe, et les bêtes ont des protecteurs officieux et des avocats… qu’elles ne paient pas. Il ne faut donc pas s’étonner si dans le pays de la société humaine un grand nombre de peintres se sont attachés à représenter l’image de ces intéressantes créatures, de préférence à celle de l’homme. Pour le commun des artistes, cette branche de l’art a dû nécessairement se spécialiser et tourner à l’industrie. Tel a adopté les chevaux, tel autre les chiens, tel autre les chats. Parmi les chevaux, l’un ne peint que des chevaux de brasseurs,