Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/915

Cette page a été validée par deux contributeurs.
911
LES ARTS EN ANGLETERRE.

lement le costume, à combiner plus ou moins heureusement les nuances du coloris, et à répandre sur l’ensemble de la composition quelque brillant effet de clair-obscur plutôt qu’à nous montrer l’homme et à nous faire lire dans son ame. Ils éblouissent sans toucher.

Je me rappelle un tableau de M. Maclise que l’on pourrait offrir comme le spécimen le plus complet de la prétendue peinture historique des Anglais. Ce tableau représente le vœu du paon (the vow of the pea-cock), c’est-à-dire le serment que, dans certaines occasions solennelles, les chevaliers prêtaient sur un paon. Cette composition de M. Maclise produisit lors de son apparition une sensation extraordinaire, et obtint un véritable succès d’enthousiasme. La singularité des attitudes, toujours un peu maniérées, mais ne manquant ni d’une certaine grace leste et aristocratique qui n’est cependant pas la noblesse, ni d’une apparence de fierté qui simule l’énergie ; le naturel un peu apprêté des expressions, la richesse, la variété, la bizarrerie même des costumes, la profusion des accessoires, la recherche et le brillant de l’effet calculés avec cette précision mathématique et rendus avec ces combinaisons de clair-obscur et tous ces procédés familiers aux peintres anglais, qui séduisent au premier aspect, mais qui donnent à la longue à leurs compositions les plus vastes l’apparence d’immenses vignettes : tout dans ce tableau devait plaire à un public anglais, dont le goût, les caprices, les préjugés même en fait d’art, se trouvaient flattés du même coup. Aussi, depuis la mort de Wilkie, M. Maclise partage-t-il avec MM. Haydon, Eastlake et Landseer, les sympathies de la foule, les éloges de la critique et les honneurs de la priorité.

MM. Haydon et Eastlake ont fait tous deux une étude particulière des maîtres de l’école vénitienne. M. Eastlake s’est surtout attaché au Giorgion. Il lui a emprunté avec assez de bonheur le ton de ses carnations transparentes et dorées, ses costumes riches et cependant d’une couleur vigoureuse, propres à faire ressortir l’éclat des chairs, ses fonds de paysage d’un style élevé et si puissamment colorés. M. Eastlake s’est naturellement attaché à reproduire divers sujets de l’histoire italienne du moyen-âge. La Fuite de François Novello, seigneur de Padoue, et Gaston de Foix avant la bataille de Ravenne, sont peut-être ses meilleures productions.

Les études spéciales et approfondies que M. Haydon a faites de la couleur ne l’ont cependant pas entraîné, comme il arrive d’ordinaire, à négliger l’expression et l’action ; on peut même reprocher à cet artiste de les outrer quelquefois en cherchant à les trop bien