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ceux qui proviennent de cette médiocrité raisonnable qui accompagne l’excès de bon sens. Les peintres postérieurs à Hogarth, ceux même qui, vers le commencement du siècle, relevèrent l’école anglaise d’une décadence prématurée, et qui plus tard, de 1815 à 1830, illustrèrent une époque que les Anglais proclament la grande période de l’art anglais, pèchent surtout par l’absence de ce bon sens si funeste. MM. Wilkie, Martin, Bonington, Fielding, Turner et Lawrence lui-même, parmi les peintres ; MM. Chantrey, Gibson et Westmacott, parmi les statuaires, ont laissé des ouvrages qui vivront ; la plupart ont fait preuve de talent extraordinaire et quelquefois de génie : pourrait-on néanmoins citer parmi ces artistes un de ces hommes vraiment complets, un rival des grands peintres qui ont illustré l’Italie ou la France ? Non sans doute, et ce qui a manqué à chacun d’eux, n’est-ce pas surtout cette sage entente de la composition, cette persévérance et cette rigueur dans la recherche de la forme, cette modération dans les moyens, cette profondeur et cette clarté d’interprétation, qui distinguent les artistes supérieurs des grandes écoles, et qui ne sont après tout qu’une heureuse application du bon sens à l’art ?

En peinture, rien par sauts, nihil per saltum : cet axiome fondamental de la doctrine des maîtres italiens ne paraît pas jouir d’un grand crédit auprès des artistes d’outre-mer ; ils aiment à procéder par contrastes et par oppositions. Tout chez eux est heurté : effet, couleur et composition. Les peintres de genre et les paysagistes ont encore exagéré ces défauts de l’école. MM. Turner, Martin, Constable, Bonington et Danby, peintres essentiellement anglais, et remarquables chacun par d’éminentes qualités, n’ont que trop souvent procédé d’après ce système expéditif et cavalier, jetant leurs personnages par groupes à peine indiqués, découpant les noirs sur de grands clairs, posant la couleur par plaques comme dans une sorte d’ouvrage à facettes, et diaprant leurs toiles de touches heurtées jusqu’à l’insolence. Cet exemple des chefs a été singulièrement préjudiciable au troupeau des imitateurs. Ils ont dû nécessairement abuser de la bonne volonté que montrait le public à se contenter de l’à peu près, et de l’empressement que mettaient les amateurs à couvrir d’or des esquisses dont le plus grand mérite était de flatter servilement le goût dépravé du jour. En Angleterre, l’engouement et la tyrannie de la mode s’appliquent aux beaux-arts comme à tout ; il faut obéir à ses caprices si l’on veut, je ne dirai pas prospérer, mais vivre. Le nouveau style, que l’on a plaisamment appelé le style écla-