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L’AFRIQUE SOUS SAINT AUGUSTIN.

À côté du paganisme philosophique de Maxime et de Longinien, il y avait aussi en Afrique le paganisme populaire ; celui-là était ardent et obstiné. Il ne défendait pas les dieux de la mythologie comme des dieux plus élégans et de meilleur ton que les martyrs chrétiens ; il les défendait avec une foi pieuse, et son fanatisme allait aisément jusqu’à la persécution quand le paganisme triomphait à la cour des empereurs, et jusqu’à la révolte quand le paganisme était disgracié.

Les empereurs, en effet, n’abolirent pas brusquement le paganisme. Tantôt un édit permettait aux propriétaires de temples et d’idoles de fermer, s’ils le voulaient, les temples et de briser les idoles ; tantôt, par un retour de faveur, l’empereur donnait lui-même de l’argent pour réparer un temple ou pour orner une idole. Les dieux subissaient les vicissitudes de la politique ; ils avaient leurs jours de popularité et leurs jours de disgrace. Il y eut à Carthage un Hercule qui, sous un proconsul de son parti, fut décoré d’une barbe d’or, qu’il perdit l’année suivante, sous un proconsul du parti contraire.

Hercule était le dieu de prédilection de l’Afrique, et on eût dit que le vieil Hercule tyrien y avait gardé son crédit. À Suffecte, petite ville de la Bysacène, il avait une statue qui fut brisée par les chrétiens en 399. Les païens irrités attaquèrent alors les chrétiens et en tuèrent soixante. Ce massacre affligea vivement saint Augustin ; mais il ne se dissimulait pas non plus que les chrétiens avaient eu tort de briser la statue d’Hercule. En effet, les lois défendaient de briser les idoles sans le consentement du propriétaire, et le droit romain, avec son esprit de finesse et de discernement, protégeait les statues des dieux, non plus comme dieux, mais comme propriété mobilière. Aussi saint Augustin, dans la lettre qu’il écrit aux habitans de Suffecte pour leur reprocher leur cruauté, leur promet en même temps de leur rendre leur Hercule, puisqu’ils prétendent que c’était leur propriété. « Nous avons, dit l’évêque chrétien avec une

    Israel, nec ex adventitiâ societate in populo Israel, qui tamen hujus sacramenti participes fuerunt ; cur non credamus etiam in ceteris hâc atque illâc gentibus, alias, alios, fuisse, quamvis eos commemoratos in eisdem auctoritatibus non legamus ? Ita salus religionis hujus, per quam solam veram salus vera veraciterque promittitur, nulli unquam defuit, qui dignus fuit, et cui defuit, dignus non fuit. » (Lettre 101, t. II, p. 417.) Et saint Augustin, voulant expliquer ces paroles, dit dans son Traité de la Prédestination, chap. X : « Si discutiatur et quæratur undè quisque sit dignus, non desunt qui dicant voluntate humana ; nos autem dicimus gratia vel prædestinatione divina. » Ainsi, la grace a choisi ses élus avant Jésus-Christ comme elle les choisit après Jésus-Christ, mais toujours par l’intervention de Jésus-Christ. Ainsi, sans la grace, les sacrifices avant Jésus-Christ et les pratiques pieuses après Jésus-Christ ne font pas les élus de Dieu. Dans saint Augustin, la grace précède, domine et explique tout.